Étude de Davy - Dernière mise à jour : 17/10/2000
Jehovah's Witnesses: a religion threatened by France

Les Témoins de Jéhovah :
une religion menacée par la France

Édition révisée de septembre 2000

 

Sommaire

INTRODUCTION

I. LES TÉMOINS DE JÉHOVAH : SITUATION GÉNÉRALE
Secte ou religion ?
Une religion reconnue
Les rapports parlementaires
Le statut d'association cultuelle confirmé
Refus éclairé de transfusion sanguine
Sectaires et asociaux ?

II. ATTEINTES AUX LIBERTÉS DE CULTE ET DE CONSCIENCE
Lobbies antisectes
Désinformation parlementaire
L'arme fiscale : quand la discrimination se prétend légale...
Entraves à la liberté de culte
La liberté de conscience mise en péril
France vs. Religion

CONCLUSION

Bibliographie



Quels changement dans cette mise à jour?

 
NOTE PRÉLIMINAIRE : Cette étude, fruit d'une démarche et d'une recherche personnelles, n'engage que son auteur, qui n'entend en aucune façon représenter les Témoins de Jéhovah. Pour connaître la position officielle des Témoins de Jéhovah sur certains points, je vous encourage à visiter leur site internet officiel pour la France : www.temoinsdejehovah.org. - Davy.
Alors que la France apparaît aux yeux du monde comme le pays des Droits de l'homme, puisqu'y naquit la célèbre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les Témoins de Jéhovah de France (1) voient, depuis quelques temps, leurs libertés de conscience et de culte de plus en plus menacées, et cela de manière inquiétante. En effet, comme le constate le très sérieux journal britannique The Gardian, " dans la panique hystérique qui parcourt l'Europe francophone à la suite des horribles meurtres du Temple Solaire en 1994, la liberté de culte a été facilement sacrifiée dans plusieurs démocraties libérales " (2). D'une part, les associations antisectes ont profité d'événements dramatiques mettant en cause des sectes dangereuses pour intensifier leur lobbying auprès des autorités et des médias ; d'autre part, certains hommes politiques ont saisi " l'opportunité de se revaloriser à moindres frais ", toujours selon le Gardian de Londres. C'est dans ce contexte de lutte contre les sectes que les Témoins de Jéhovah subissent des attaques, du fait d'un amalgame abusif entre leur Église chrétienne et des mouvements réellement dangereux, orchestré autant par les militants antisectes que par certains médias. En réaction à cette campagne de désinformation, le Consistoire national des Témoins de Jéhovah de France a recueilli, du 1er juin au 1er octobre 1995, 206.536 signatures dans le cadre d'une pétition nationale intitulée " Pour la défense du culte des Témoins de Jéhovah " (3).

Il s'agira donc, dans cette étude, de développer en premier lieu la situation générale des Témoins de Jéhovah par rapport à la société et au droit, essentiellement en France (I.), avant de rendre compte des discriminations dont ils sont victimes et des atteintes portées contre leurs libertés fondamentales en France (II.).

I. LES TÉMOINS DE JÉHOVAH : SITUATION GÉNÉRALE

Bien que les Témoins de Jéhovah soient présents en France depuis le début du XXe siècle (4) et qu'ils aient toujours eu à affronter toutes sortes de préjugés, la désinformation et l'opposition à leur encontre semblent s'être intensifiées au cours de ces dernières années. Il en résulte une réelle incompréhension vis-à-vis de cette confession chrétienne, qui revendique environ 250 000 fidèles et sympathisants en France, parmi les plus de 14 millions de pratiquants réguliers ou occasionnels qu'elle rassemble dans le monde entier (5). Intéressons-nous donc, dans cette première partie, à leur situation socio-juridique, puis analysons quelques points polémiques régulièrement mis en avant pour les stigmatiser.

Secte ou religion ?

Avant tout, il faut reconnaître qu'une première difficulté réside en l'absence de définition objective et faisant l'unanimité du terme " secte ", ce qui permet aux détracteurs des Témoins de Jéhovah de ranger ce mouvement fondamentaliste, à l'aide d'une définition adaptée à leur guise, dans la catégorie des " sectes ". Pourtant, si la notion de " secte " reste floue, il s'avère clair que les Témoins de Jéhovah ne peuvent être assimilés aux groupes sectaires dangereux.

Ainsi Françoise Champion, chargée de recherches au CNRS, dénonce-t-elle les méfaits des amalgames et sépare, à l'occasion, les Témoins de Jéhovah des nouvelles sectes, dans une interview accordée au Figaro :

" - Diriez-vous qu'il existe actuellement une certaine hystérie anti-sectes ?
- Oui. Elle est due en partie aux amalgames. J'entends dire : « Les sectes infiltrent l'État. » Mais soyons précis : de qui parle-t-on, pour quels faits indiscutables ? Il y a, certes, au sujet de la Scientologie, une succession d'informations qui rendent soupçonneux.

Sectes protestantes

- Et les Témoins de Jéhovah ?
- C'est autre chose. Ils entrent dans la logique des anciennes sectes protestantes repliées sur elles-mêmes. La Scientologie fait partie de ces nouveaux groupes qui mêlent religiosité et thérapies à vendre. " (6)

La notion de secte est née dans un contexte chrétien et était originellement utilisée par les grandes Églises pour qualifier de manière péjorative les hérétiques. Aussi les sociologues Max Weber et Ernst Troeltsch ont-ils tenté d'élaborer une typologie plus neutre de la secte opposée à l'Église. La sociologue des religions Françoise Champion nous en offre une présentation concise :

" Deux sociologues allemands ont en effet défini les notions d'Eglise et de Secte, au tournant du XIXe et du XXe siècle : Weber et Troeltsch. Selon eux, on naît dans l'Eglise, qui est coextensive à la société, mais on entre dans la secte par conversion. Selon eux, également, l'Eglise accepte un compromis avec le monde, alors que la Secte la récuse. Enfin, dans l'Eglise, il y a deux catégories de personnes : clercs ou religieux d'un côté, laïcs de l'autre. Aux premiers, une morale exigeante ; aux seconds, une morale plus accessible. Cette distinction clercs-laïcs ne se retrouve pas dans la Secte : tous les membres y sont, en principe, égaux et tous sont soumis à la même morale exigeante. " (7)

C'est dans cette définition non péjorative de la secte protestante que des sociologues classent généralement les Témoins de Jéhovah (8).

Cependant, la majorité des sociologues et historiens des religions distinguent volontiers les Témoins de Jéhovah des nouvelles sectes, apparues depuis les années 60-70, d'autant plus que la définition webero-troeltschienne de la secte ne correspond plus au phénomène sectaire actuel. Ainsi Nathalie Luca, ethnologue et chercheur au CNRS, et Frédéric Lenoir, philosophe et sociologue, expliquent-ils dans leur ouvrage Sectes, mensonges et idéaux :

" Même si les particularités de leur théologie amènent catholiques et protestants à considérer les Témoins comme étant à la marge du dogme chrétien, leurs volonté et agissements sont en tout point caractéristiques de la définition webero-troeltschienne de la secte. Comme les autres sectes chrétiennes, celle des Témoins de Jéhovah est née de la conviction que le christianisme s'était détourné de sa voie et qu'il fallait revenir au temps des premiers chrétiens. Leur communauté s'est organisée selon les lois bibliques qu'elle déchiffrait et auxquelles les convertis se pliaient quel qu'en soit le prix [...] Cependant les sectes de ce type se battent uniquement au nom de leurs convictions religieuses et dans un souci permanent de rester fidèles à l'image qu'elles se font des premiers chrétiens.

Elles se distinguent en cela assez radicalement des nouveaux groupes, apparus après la Seconde Guerre mondiale -- et pour la plupart dans les années soixante-dix -- dans un monde sécularisé, marqué par l'individualisme et la mondialisation. [...]

Certains ne manquerons pas de nous reprocher de faire entrer les Témoins dans cette catégorie des sectes traditionnelles de terrain chrétien et non dans la catégorie des « nouvelles sectes » qui se définissent principalement par le mensonge et la dangerosité. Pour avoir étudié en profondeur ce mouvement, il est clair pour nous que les Témoins de Jéhovah sont de nature très différente de ces nouvelles sectes. Ils affichent clairement leurs objectifs réels, l'argent sert à construire des lieux de culte et non à enrichir quelques nababs, le pouvoir est collégial et n'est pas entre les mains d'un gourou tout-puissant, etc. " (9)

De même, Jean Delumeau, éminent historien des religions occidentales, émet des réserves sur l'emploi du terme " secte " à propos des Témoins de Jéhovah :

" Mais je suis plus réservé quand on emploie le mot « secte » pour les adventistes [...] ou pour les mormons [...]. J'ajoute les Témoins de Jéhovah, souvent considérés comme suspects, mais dont les lieux de culte ne sont pas secrets, même si certaines de leurs pratiques les mettent en marge de la société. " (10)

D'où cette constatation d'une encyclopédie catholique :

" Ainsi, les Témoins de Jéhovah revêtent de plus en plus les caractéristiques d'une église plutôt que celles d'une secte. " (11)

Quant au professeur de sociologie religieuse David Bromley, il considère que " les Témoins de Jéhovah et les mormons sont des Églises, depuis longtemps établies, liés à la tradition chrétienne et font parties de celles qui grossissent le plus vite dans les pays occidentaux, car elles font appel à un spectre beaucoup plus large de population " (12).

Pour terminer sur un point de vue religieux, on relèvera que la revue protestante Réforme situe cette communauté religieuse dans " la sphère chrétienne " :

" Secte chrétienne ? Protestante ? Les convictions et croyances des Témoins de Jéhovah les situent, en tout cas, dans la sphère chrétienne. Et protestante, si l'on veut bien considérer leur volonté de se soumettre à la Bible seule. Une Bible qu'ils reconnaissent comme source d'autorité et prennent « pour la Parole de Dieu ». Leurs commentaires bibliques les situent, cependant, du côté du fondamentalisme ou, plus exactement, du littéralisme. " (13)

Force est donc de constater que les Témoins de Jéhovah s'avèrent fort éloignés du phénomène sectaire actuel et que c'est à tort que certaines personnes les assimilent aux mouvements sectaires dangereux, usant de la confusion entre les sens commun et sociologique de la " secte " (14).

Outre cette distinction sociologique (15), leurs reconnaissances officielles, à travers le monde, en tant que religion démarquent pareillement les Témoins de Jéhovah des mouvements sectaires.

Une religion reconnue

Tout d'abord, on constatera que les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) se montrent très révélatrices de la légitimité conférée à ce mouvement en Europe, qui, à la différence des autres groupes controversés, s'est vu accorder une pleine reconnaissance religieuse, conformément à ce constat du professeur Jean Duffar :

" Tels sont les critères que la jurisprudence a dégagés pour caractériser une religion : les mouvements qui voudraient être qualifiés « religieux » devraient sans doute y satisfaire. Il semble qu'actuellement, et selon la jurisprudence des organes de la CEDH, les témoins de Jéhovah rempliraient seuls ces conditions. Plusieurs arrêts de la Cour ont par exemple constaté qu'en Grèce « la confession » remplit dans l'ordre juridique grec les conditions d'une « religion connue ». La Cour a estimé, qu'à des titres divers les témoins de Jéhovah avaient été notamment victimes de la violation de l'article 9 de la Convention [concernant les libertés de conscience et de culte]. " (16)

De plus, les Témoins de Jéhovah disposent du statut officiel de religion et jouissent de diverses dispositions réservées aux confessions religieuses reconnues dans de nombreux pays, qui sont d'horizons très divers. Retenons quelques exemples significatifs :

- Les États-Unis d'Amérique nous viennent tout de suite à l'esprit quand on parle de reconnaissance religieuse d'un groupe controversé. Pourtant, cette nation ne reconnaît officiellement aucun culte. Néanmoins, l'administration fiscale (Internal Revenu Service) est chargée d'accorder ou non le statut fiscal de communauté religieuse aux mouvements s'en réclamant. Les Témoins de Jéhovah ont obtenu ce statut de religion et même celui d'organisme de bienfaisance (charity). (17)

- Ils disposent d'une pleine reconnaissance religieuse au Royaume-Uni : leurs lieux de culte sont enregistrés officiellement comme tels, leurs cérémonies de mariage et de funérailles prennent des effets civils. Leurs associations, locales et nationales, sont enregistrées et reconnues comme organismes de charité (charities), statut accordé aux communautés religieuses répondant à des critères très stricts (18).

- Pareillement au Canada, en plus d'être considérés comme une religion à part entière, les Témoins de Jéhovah ont reçu de Revenu Canada (l'administration fiscale) la reconnaissance d'organisme de bienfaisance (charity), autant pour leur association nationale que pour leurs Églises locales (19).

- En Italie, les Témoins de Jéhovah constituent une " confession religieuse " légalement reconnue, par décret présidentiel (20), depuis 1986. À cette occasion, le journal italien La Stampa a déclaré : " L'Italie compte une confession religieuse 'officielle' de plus, les Témoins de Jéhovah, qui sont désormais légalement reconnus comme la seconde religion du pays ". Depuis leur première reconnaissance en 1976, leurs ministres du culte sont autorisés, entre autres, à célébrer des mariages civils, à visiter les détenus en milieu carcéral... Une convention (intesa) signée récemment entre la République italienne et les Témoins de Jéhovah accorde à cette dénomination chrétienne une reconnaissance juridique élargie en tant que religion (21).

- Au Danemark, ils forment une communauté religieuse reconnue et ont reçu une autorisation ministérielle aux fins de conclure des mariages religieux ayant des effets civils.

- En Espagne, les Témoins de Jéhovah figurent sur le registre des confessions religieuses depuis le 10 juillet 1970. Ils représentent donc officiellement la seconde religion de ce pays.

- Le 31 mai 1945, le Conseil d'État de Finlande a reconnu l'association religieuse des Témoins de Jéhovah.

- En Grèce, le Conseil d'État a jugé à plusieurs reprises que leur confession remplit les conditions d'une " religion connue " (22).

- Le 7 mai 1993, le Mexique leur a accordé le statut de religion. Le 31 du même mois, un document garantissant cette reconnaissance leur a été délivré par le sous-secrétaire d'État au ministère de l'Intérieur.

- Ils se sont vu reconnaître officiellement au Portugal par l'enregistrement de l'Association des Témoins de Jéhovah.

- Le ministère de la Justice de Russie a renouvelé, le 29 avril 1999, leur enregistrement comme organisation religieuse (23), en accord avec la loi controversée de 1997 sur " La liberté de conscience et les organisations religieuses ". Le nom officiel, " Centre administratif pour les Témoins de Jéhovah de Russie ", par l'emploi du mot " Russie ", indique que leur organisation existe dans le pays depuis plus de 50 ans. Ils avaient déjà reçu une reconnaissance légale en 1991.

- Le 13 mars 2000, les Témoins de Jéhovah ont été enregistrés en Suède en tant que « communauté religieuse » par l'organisme public Kammarkollegiet. Depuis la séparation de l'Église luthérienne de Suède et de l'État, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, cette agence nationale des services juridiques, financiers et administratifs a été chargée d'accorder un statut juridique aux communautés religieuses qui en feraient la demande. Ce statut officiel ne donne pas droit en principe à des exemptions fiscales, mais ouvre la voie à une demande d'aide financière à l'État.

On pourrait citer encore un large éventail d'autres pays qui ont placé les Témoins de Jéhovah au rang des religions officielles et qui figurent parmi les plus de 150 pays où ces chrétiens sont légalement enregistrés.

Mais qu'en est-il de la France ?

Les rapports parlementaires

L'État français ne reconnaissant aucun culte, selon l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905, il n'existe dès lors aucune religion officielle, ou reconnue, ni aucune " secte officielle " (24). Pourtant, d'aucuns affirment régulièrement, à tort, que les Témoins de Jéhovah sont reconnus comme " secte " par le gouvernement français, en brandissant le rapport parlementaire Les sectes en France (25). D'une part, bien qu'ils soient comptés parmi les 173 " sectes retenues dans l'étude des Renseignements généraux ", les Témoins de Jéhovah ne sont pas inclus dans les 172 " mouvements recensés par la DCRG et répondant à l'un des critères de dangerosité " (26), malgré l'ambiguïté entretenue sur ce sujet (27). D'autre part, non seulement ce rapport n'engage que ses auteurs, en l'occurrence une commission de seulement quelques parlementaires, et non l'Assemblée nationale dans son ensemble, mais encore il est reconnu, aussi bien par le gouvernement que par les juridictions administratives et judiciaires, comme n'étant qu'un document informatif, sans aucune valeur juridique ni normative (28). En outre, ce rapport a suscité de vives critiques de la part de sociologues, de juristes, ainsi que de représentants religieux (29).

De plus, je souhaite préciser que les accusations portées contre les Témoins de Jéhovah restent formulées au conditionnel, révélant la fiabilité à leur accorder, et font essentiellement référence aux " informations recueillies par [la] commission " ou, plus clairement, à la documentation fournie par les associations antisectes. Or, les militants antisectes consultés par la commission d'enquête n'ont présenté que des informations sélectionnées et dirigées telles qu'elles puissent confirmer leurs affirmations. Par exemple, on peut souligner que la seule décision judiciaire citée dans le rapport, parce que favorable aux thèses développées, et qui met en cause un parent témoin de Jéhovah ne s'avère pas représentative de la jurisprudence liée à ce mouvement (30), mais révèle plutôt une méconnaissance des croyances et pratiques réelles des fidèles de cette Église. De même, le seul témoignage apporté par un ex-témoin de Jéhovah apparaît marginal et manque de crédibilité (31).

Il semble donc que ce premier rapport a plus été un moyen de donner une apparence officielle aux critiques des militants antisectes qu'un document d'information sérieux et objectif.

Ensuite, le rapport parlementaire Les sectes et l'argent(32) est venu le seconder. Même s'il est, lui aussi, présenté comme une référence, il n'y a aucune raison qu'il ait plus de valeur normative et juridique que le précédent. D'ailleurs, on ne peut ignorer qu'il a été rédigé par le député Jean-Pierre Brard, qui a souvent fait preuve de virulence dans ses déclarations, relevant même de la diffamation (33), à l'égard des Témoins de Jéhovah, ce qui explique que ce rapport soit particulièrement dirigé contre cette confession. En réalité, on peut s'apercevoir que les faits avérés ne sont pas véritablement défavorables aux Témoins de Jéhovah : seule l'interprétation douteuse de Jean-Pierre Brard est tournée contre eux, parce qu'elle repose principalement sur la présomption de leur culpabilité. Aussi peut-on montrer, à la lumière des faits présentés dans le rapport, que les Témoins de Jéhovah ne répondent à aucun critère caractérisant une secte (34).

Finalement, dans une récente note transmise au gouvernement, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) a suggéré d'abandonner l'usage de la liste des sectes dressée par les parlementaires. Elle conclut par la même occasion que les " mouvances chrétiennes ou extrêmes-orientales ", telles que les Témoins de Jéhovah, ne devraient plus être " considérées comme des sectes " (35).

Quoiqu'il en soit, dans l'intention de se démarquer des mouvements qualifiés de " sectes ", les Témoins de Jéhovah ont entrepris diverses démarches pour obtenir une forme de reconnaissance cultuelle, notamment par le biais du statut d'association cultuelle.

Le statut d'association cultuelle confirmé

En général, le statut d'association cultuelle est perçu comme une reconnaissance officielle de la part de l'État, offrant une certaine légitimité à l'association qui se l'est vu accorder. Mais que représente exactement cette reconnaissance " cultuelle " (36) et quelle est, en particulier, la situation des Témoins de Jéhovah ?

Une récente circulaire du ministère de l'Intérieur (37), responsable du Bureau des cultes, apporte une mise au point sur ce statut cultuel. Elle rappelle que le préfet ne peut refuser de recevoir la déclaration d'une association cultuelle ; néanmoins, si l'association poursuit un objet illicite, ce dernier peut engager ensuite une action en nullité auprès du Tribunal de Grande Instance. Toute association peut donc se déclarer cultuelle. En revanche, selon la même référence, " [le terme] "cultuel" n'acquiert de valeur juridique que si l'association concernée le revendique au regard des avantages fiscaux qu'il confère et de l'acceptation des dons et des legs qu'autorise cette qualification ". Et de préciser : " C'est pourquoi, l'on utilise dans la terminologie administrative, par abus de langage, le terme "reconnaissance d'association cultuelle". En réalité, l'autorité administrative décide ponctuellement que telle association présente un caractère cultuel. " Ainsi, pour qu'une association soit " reconnue cultuelle ", il lui faut, d'une part, réclamer à l'Administration le bénéfice d'avantages fiscaux réservés aux associations cultuelles ou l'autorisation de recevoir des dons et legs, puis, d'autre part, obtenir de celle-ci une réponse positive. Pour reconnaître ce statut cultuel, l'Administration doit d'abord vérifier que l'association remplit ces trois conditions nécessaires : l'existence d'un culte, le caractère exclusivement cultuel de l'objet de l'association et la non-contrariété à l'ordre public de son objet statutaire et de ses activités effectives.

Si le Conseil d'État avait contesté en 1985, par un arrêt vivement critiqué par d'éminents juristes, le caractère cultuel d'une association nationale des Témoins de Jéhovah (38), la jurisprudence administrative a depuis lors bien évolué en faveur des Témoins de Jéhovah.

Tout d'abord, le Conseil d'État a prononcé, en 1993, la décharge de la taxe d'habitation sur les édifices de culte appartenant à deux associations locales de cette confession, ayant estimé que leurs activités étaient constitutives de l'exercice public d'un culte et que les locaux étaient exclusivement affectés à cet exercice (39). Le commissaire du gouvernement avait d'ailleurs précisé dans ses conclusions : " Il reste alors à vérifier [...] si l'on est bien, au cas particulier, en présence d'un culte religieux, au sens de la loi de 1905. Il ne fait aucun doute, à nos yeux, que cette question appelle, en ce qui concerne les témoins de Jéhovah, une réponse affirmative. [...] Et, si le terme de « secte » est parfois employé à leur propos, il ne souligne en réalité que leur caractère de religion minoritaire. " (40)

Ensuite, afin de permettre à cette jurisprudence de poursuivre son évolution, les Témoins de Jéhovah ont décidé de réclamer l'exonération de la taxe foncière sur leurs salles de réunions cultuelles, appelées " Salles du Royaume ". L'administration fiscale s'y opposant, chaque Église locale a porté l'affaire devant les juridictions administratives, amenées dès lors à se prononcer sur le caractère cultuel de l'association afin de conclure sur le dégrèvement ou non de cette taxe. À cette occasion, le Conseil d'État a rappelé dans un avis les conditions qu'une association doit remplir pour revendiquer la qualité cultuelle (41). Finalement, tandis que les juridictions de première et de deuxième instances avaient majoritairement conclu que les associations locales pour le culte des Témoins de Jéhovah était bien cultuelles et, de ce fait, avaient accordé le dégrèvement de la taxe foncière sur leurs propriétés cultuelles (42), le Conseil d'État a maintenu cette jurisprudence favorable aux Témoins de Jéhovah. En effet, par deux décisions du 23 juin 2000 (43), la Haute Juridiction administrative a confirmé un jugement de la Cour d'appel de Lyon, qui avait jugé que les associations requérantes pouvaient être regardées comme cultuelles et leur avait accordé l'exonération sollicitée. Les juges du Palais Royal ont ainsi conclu " qu'il ne résultait de l'instruction, ni que ladite association ait fait l'objet de poursuites ou d'une dissolution de la part des autorités administratives et judiciaires, ni qu'elle ait incité ses membres à commettre des délits, en particulier celui de non assistance à personne en danger " et que la cour d'appel a pu juger, à juste titre, que l'activité de l'association considérée ne menaçait pas l'ordre public.

Ce jugement, qui fera désormais jurisprudence à la place de la décision discutable de 1985 (44), permet désormais de considérer les associations locales pour le culte des Témoins de Jéhovah comme " reconnues cultuelles ", conformément à la circulaire précitée du ministère de l'Intérieur. Mais qu'en est-il de l'Association Cultuelle les Témoins de Jéhovah de France (ACTJF) ? Cette association est déclarée selon les lois des 1er juillet 1901 et 9 décembre 1905, en conformité avec le statut d'association cultuelle (45). Jusqu'à maintenant, l'administration n'a pas eu l'occasion, suite à une demande soit d'autorisation de libéralités soit d'exonérations fiscales, de se prononcer sur le caractère cultuel de l'ACTJF et, a fortiori, ne le lui a jamais refusé. Néanmoins, il n'apparaît aucune raison pour qu'elle ne dispose pas de la même qualité cultuelle que les associations locales, étant donné que celle-là manifeste les mêmes croyances et pratiques que celles-ci. Elle peut alors être considérée à juste titre comme une association cultuelle, conforme à la loi du 9 décembre 1905.

En fin de compte, cette évolution de la jurisprudence en faveur des Témoins de Jéhovah reflète peut-être le résultat d'une plus grande connaissance et d'une meilleure compréhension de leur religion. Comme le notait l'analyse d'une décision de première instance relevée dans le quotidien Le Monde : " Le jugement confirme une évolution vers la « normalisation » des Témoins de Jéhovah " (46). Ainsi l'administration et la justice ne se laissent-elles pas abuser par les accusations gratuites et non fondées des détracteurs de cette Église chrétienne, qui sont largement réfutées par les faits aisément vérifiables.

Refus éclairé de transfusion sanguine

Le refus sélectif de la transfusion sanguine (47) est régulièrement utilisé pour traiter les Témoins de Jéhovah comme des criminels, accusant en particulier les parents de mettre en péril la vie de leurs enfants mineurs (48). Pourtant, depuis les affaires dites du " sang contaminé " et l'évolution des techniques de substitution, il est de plus en plus admis que les transfusions sanguines ne constituent plus la panacée, pouvant même devenir un produit dangereux (49), et qu'il se révèle, dans ces conditions, trop réducteur d'affirmer que refuser le sang équivaut à refuser la vie.

D'où cette interrogation du Quotidien du Médecin :

" Peut-être les Témoins de Jéhovah ont-ils raison de refuser l'utilisation thérapeutique des dérivés sanguins, car il est vrai qu'un nombre important d'agents pathogènes peuvent être transmis par l'intermédiaire de sang transfusé. " (50)

En fait, à plusieurs reprises, des études scientifiques avaient déjà apporté ces conclusions : " Chez les Témoins de Jéhovah, le risque chirurgical n'est guère plus élevé que chez les autres opérés " ; " Dans la grande majorité des cas [où l'on a affaire à des Témoins], les risques d'une opération pratiquée sans transfusion ne sont pas plus élevés que lorsque nous administrons du sang " (51). Le docteur Kitchens, qui a analysé 16 études concernant 1 404 opérations pratiquées sur des Témoins de Jéhovah qui avaient refusé des transfusions, est arrivé à cette conclusion :

" La décision des Témoins de Jéhovah de refuser les transfusions dans le cas de graves opérations semble augmenter les risques de mortalité de 0,5% à 1,5%. Il est moins facile d'estimer dans quelle proportion le non-recours à la transfusion limite les maladies et les décès, mais il est probable que ces avantages prévalent contre les risques que l'on encourt en refusant une transfusion. " (52)

Ce qui l'a amené à cette question :

" Si les opérations sans transfusion pratiquées sur les Témoins de Jéhovah n'aggravent pas de façon inquiétante l'état de santé du patient et permettent de réduire considérablement certains frais et les risques de complications chroniques, ne devrions-nous pas limiter les transfusions ? " (52)

Laissons conclure le professeur Bernard Glorion, qui déclara en tant que président de l'Ordre des médecins en 1996 :

" Dans les années à venir, la chirurgie sans transfusion devrait connaître une évolution importante, pour des raisons financières d'une part, et dans l'intérêt des patients, d'autre part. C'est un domaine qui dépasse largement le simple cadre des Témoins de Jéhovah. " (53)

Même la presse généraliste a offert, encore récemment, des comptes-rendus positifs sur le développement de la chirurgie sans transfusion sanguine (54). Les critiques visant le refus sélectif et éclairé de la transfusion sanguine perdent donc de plus en plus de consistance et, de ce fait, font plus appel à l'émotion (55) qu'à la raison scientifique (56).

Sectaires et asociaux ?

Un autre reproche récurrent à l'encontre des Témoins de Jéhovah est leur prétendu caractère asocial. Pourtant, les faits semblent plutôt infirmer celui-ci.

En premier lieu, on rappellera que les Témoins de Jéhovah sont connus pour leur évangélisation régulière. Or, cette activité amène ces croyants à avoir des contacts et des échanges avec des personnes de toutes catégories sociales, raciales, ethniques, de différentes opinions religieuses ou philosophiques... Honnêtement, connaît-on beaucoup d'asociaux qui consacrent régulièrement du temps à discuter avec leurs voisins ? Cette activité devient même une action sociale particulièrement utile dans les banlieues (57). De plus, on notera qu'en suisse, par exemple, conformément au rapport du Parlement suisse sur les sectes, " les Témoins de Jéhovah ont contribué à l'intégration sociale des immigrants en provenance d'Italie, d'Espagne et du Portugal " (58). Est-il possible qu'un mouvement asocial contribue à l'intégration sociale de ceux qui s'y joignent ? Cela relève du paradoxe !

Et puis, les Témoins de Jéhovah ne sont pas les derniers quand il s'agit d'apporter une aide à leurs voisins sinistrés ou à des populations défavorisées. Manifestant l'amour du prochain (59), une équipe d'environ six cents Témoins de Jéhovah est rapidement allée témoigner sa solidarité aux habitants de l'Aude, victimes des inondations de novembre 1999 (60). En tout, 3 000 Témoins de Jéhovah ont chaleureusement apporté leur aide tant à leurs coreligionnaires qu'aux autres habitants (61). Ils s'étaient déjà manifestés lors d'inondations à Vaison-la-Romaine, à Charleville-Mézières, à Béziers, etc. Ainsi France Soir rapportait-il, à propos de l'inondation à Vaison-la-Romaine en 1992 : " Les Témoins de Jéhovah aussi se sont mobilisés. Ils sont venus à plus de 150 à Vaison et ont installé leur PC dans une maison d'un de leurs frères sinistrés. Tous ont délaissé leur tunique traditionnelle pour un jean et un ciré plus appropriés. "Certains habitants sont surpris quand nous leur disons que nous sommes témoins de Jéhovah, souligne frère Clouet. D'ordinaire, nous sommes mal vus. Ici, nous sommes accueillis par tout le monde à bras ouverts." " (62)

Depuis longtemps, les Témoins de Jéhovah participent en Afrique à une oeuvre d'utilité publique : " Des villages alphabétisés, des familles plus stables, des citoyens plus responsables, une pratique égalitaire, une fraternité inter-raciale avérée, la conquête des libertés civiques, voilà quelques résultats obtenus par les Témoins de Jéhovah (sur une terre de développement) ", comme le constate Marie-Louise Gicquel (63). Elle indique, entre autres éléments, " [qu']entre 1964 et 1984, 19238 adultes ont encore appris à lire et à écrire grâce aux cours organisés dans les congrégations ". En 1990, ils ont créé en France une association caritative Aidafrique (64), pour mieux structurer l'aide qu'ils apportent aux populations défavorisées d'Afrique : envoi de secours (nourriture, vêtements, matériel médical...) aux réfugiés rwandais vers l'ex-Zaïre (aujourd'hui République Démocratique du Congo) en 1994 (65) et aux déshérités zaïrois en 1997 (66), don d'un centre médical, composé de 11 bâtiments, à la province de Kayanza au Burundi (67), collecte de 33 000 manuels scolaires destinés aux enfants francophones de Zambie (68) et bien d'autres actions encore... (69) Cette aide humanitaire est souvent déployée en collaboration avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et avec Médecins sans Frontières.

Outre le caractère parlant de ces diverses oeuvres sociales, une enquête sociologique de la SOFRES (70) nous permet de mieux cerner l'intégration sociale des Témoins de Jéhovah dans la société française. Voyons quelques idées fausses propagées contre les Témoins de Jéhovah, suivies de résultats du sondage infirmant celles-là :

- Les Témoins de Jéhovah n'auraient pas le droit de suivre des études...
SOFRES : " Le niveau d'instruction des interviewés est également voisin de celui de la moyenne des Français, sauf pour la catégorie des diplômés de l'enseignement supérieur de cycle long (BAC + 5) qui, elle, est sous-représentée par rapport à la moyenne : 3% contre 12% en national. Ce taux est cependant plus élevé (7%) dans la tranche d'âge 15 à 34 ans. "

- Le taux de chômage serait élevé chez eux...
SOFRES : " En revanche, le niveau d'activité des Témoins de Jéhovah est sensiblement plus élevé que celui des Français : 63% contre 53% en moyenne. "

- Ils ne participeraient à aucune activité culturelle, sociale, de voisinage...
SOFRES : " Concernant leur participation à des activités, 51% des Témoins de Jéhovah interrogés pratiquent des activités charitables, et 40% des activités de voisinage et/ou culturelles. Un tiers affirme pratiquer des activités sportives. "
SOFRES : " Les activités culturelles se déclinent en : la lecture de livres, plus des deux tiers des interviewés déclarant lire souvent des livres, puis la lecture de revues (57%), la lecture de journaux (40%), la fréquentation des cinémas (27%), enfin, celle des musées et expositions (14%). 3% des Témoins de Jéhovah affirment fréquenter souvent les théâtres "

- Ils ne se soigneraient pas...
SOFRES : " Le suivi médical des Témoins de Jéhovah ne révèle pas non plus de comportement atypique : 97% ayant un médecin traitant à qui ils font généralement appel, et 78% ayant déjà été hospitalisés. "

- Ils n'auraient aucune relation avec ceux qui ne partagent pas leur foi...
SOFRES : " Concernant les relations avec les non-Témoins de Jéhovah, seuls 2% déclarent ne rencontrer que des personnes baptisées, une majorité massive de 97% ayant des contacts suivis avec des non-Témoins de Jéhovah. "

- Ils détruiraient les familles...
SOFRES : " Lorsque le conjoint d'un Témoin de Jéhovah n'est pas lui-même baptisé, cela pose de graves problèmes dans seulement 5% des cas, et des problèmes sans gravité dans 32% des cas. "
SOFRES : " Concernant les relations avec la famille non pratiquante, seul 1% déclare n'en avoir aucune, et 13% n'avoir que des relations occasionnelles, probablement pour des raisons d'éloignement géographique. "

- Leurs enfants ne seraient pas correctement scolarisés, n'auraient pas le droit de participer aux activités scolaires, de faire du sport... (71)
SOFRES : " 85% des foyers avec des enfants de 2 à 5 ans inscrivent ces derniers en maternelle ou en crèche.
Les familles avec des enfants de plus de 6 ans scolarisent majoritairement ceux-ci dans l'enseignement public classique (94%), 10% d'entre elles seulement préférant l'enseignement privé.
Trois familles sur quatre font participer leurs enfants aux activités culturelles et sportives de l'école, deux tiers aux activités sociales, classes vertes, classes de neige, etc.
Pendant les vacances, leurs enfants sont majoritairement occupés à sortir avec des amis, lire et regarder la télévision. "

- Leurs enfants seraient endoctrinés et embrigadés...
SOFRES : " Par ailleurs, parmi l'ensemble des foyers ayant des enfants, seuls 27% ont baptisé tous leurs enfants, et 28% certains de leurs enfants. Parmi les foyers ayant des enfants de 11 ans et plus, ces taux montent respectivement à 32 et 33%. "
Si les enfants étaient vraiment endoctrinés et embrigadés, il y aurait probablement une plus large proportion d'enfants convertis...

Au sujet de la destruction supposée des familles, l'avocat Jean-Marc FLORAND (maître de conférences des facultés de droit) déclarait lors d'un colloque organisé à l'Assemblée nationale et consacré aux Témoins de Jéhovah en 1993 :

" 1. En ayant analysé, assez complètement nous l'espérons, la double série de centaines de décisions concernant les Témoins de Jéhovah en matière de divorce connues dans les affaires récentes remontant à moins de dix ans, que le taux de divorce des époux Témoins est très faible par rapport au nombre de Témoins mariés et, qu'à partir de là, il n'est pas, à nos yeux, représentatif. De plus, ce taux n'est pas plus important, au contraire beaucoup plus faible, que le taux de divorces, moyen du reste, de la population non Témoin, notamment pour la bonne raison que les Témoins sont attachés à des valeurs traditionnelles en matière de famille qui les mettent à l'abri d'un certain nombre de griefs que l'on retrouve traditionnellement dans les hypothèses de divorce pour faute, ne mettant pas en prise un époux Témoin à un époux non Témoin. [...]

2. Il nous semble ainsi que le reproche, traditionnellement véhiculé et fait aux Témoins de Jéhovah, de détruire systématiquement les familles, est, du moins dans la jurisprudence - je ne me prononce pas sur la doctrine car je ne suis pas théologien - sans base statistique sérieuse, ne concerne que des cas isolés, excessifs, marginaux, non spécifiques au mouvement des Témoins de Jéhovah et qui, à nos yeux, ne saurait engager le mouvement dans son ensemble et encore moins servir à le déshonorer dans sa globalité. " (72)

Toujours dans le domaine familiale, une enquête sociologique (73) effectuée sur l'ensemble des Témoins de Jéhovah français en juin 1991 (sous contrôle d'huissier) apportait des éléments supplémentaires : ont été recensés 29 000 couples dont les deux conjoints sont Témoins de Jéhovah et 15 200 couples dont l'un des époux ne partage cette foi ; le taux annuel de divorces chez ces 15 200 couples " mixtes " est de 0.9%, soit sensiblement égal aux statistiques nationales en matière de divorce ; notons au passage que le taux de divorce parmi les couples formés de deux Témoins de Jéhovah est, quant à lui, bien inférieur à la moyenne nationale. Ces statistiques, et non des cas isolés, démentent clairement les affirmations mensongères selon lesquelles les Témoins de Jéhovah divorceraient systématiquement d'avec leur conjoint si celui-ci ne se convertit pas à leur Église et celles qui prétendent que la vie de couple serait impossible quand seulement l'un des époux professe la foi des Témoins de Jéhovah.

En somme, il apparaît clairement que la plupart des reproches, concernant en particulier le soi-disant caractère asocial des Témoins de Jéhovah, ne reposent pas sur des faits représentatifs, ni sur des statistiques fiables...

Pourtant, cette désinformation perdure et permet d'intensifier l'opposition contre cette confession religieuse, qui voit de ce fait ses libertés fondamentales de moins en moins respectées dans une société pourtant démocratique.

II. ATTEINTES AUX LIBERTÉS DE CULTE ET DE CONSCIENCE

Même s'ils s'en défendent, ceux qui s'attaquent à l'honneur et aux activités des Témoins de Jéhovah, par leurs paroles et actions, portent véritablement atteinte aux libertés fondamentales en général et aux libertés de culte et de conscience en particulier de cette religion chrétienne.

Lobbies antisectes

Profitant d'événements dramatiques mettant en cause des sectes, les associations et militants antisectes ont renforcé leur lobbying auprès des médias et des autorités en vue de l'éradication des mouvements qu'ils dénoncent comme " sectes " (74). S'ils affichent des buts respectables (aider les victimes de mouvements sectaires, informer sur le sectarisme et protéger contre les groupes dangereux), ils semblent régulièrement " déraper " lorsqu'ils s'en prennent à des confessions religieuses inoffensives, ne respectant donc plus, dans les faits, les droits de l'homme.

Leurs dérapages se constatent notamment lorsqu'ils mènent une lutte acharnée contre les Témoins de Jéhovah et propagent des informations fausses sur leur religion. Outre l'emploi systématique de l'amalgame avec des groupes dangereux, ces opposants usent souvent de faits isolés pour soutenir leurs thèses, qui manquent en fait de consistance, à l'aide d'une généralisation abusive. En réalité, ils établissent une règle à partir d'exceptions, des cas marginaux qui généralement n'impliquent même pas les croyances et pratiques des Témoins de Jéhovah. Pourtant, non seulement une loi ne peut pas se fonder simplement sur quelques exemples, surtout s'ils s'avèrent marginaux, mais à l'inverse elle se révèle fausse s'il existe au moins un contre-exemple. Or, en ce qui concerne les accusations contre les Témoins de Jéhovah, il existe souvent plus de contre-exemples qui les infirment que d'exemples pour les confirmer ! C'est d'ailleurs ce qui a pu être constaté précédemment grâce à l'enquête de la SOFRES. Pareillement, alors que l'ADFI brandit quelques dizaines, voire quelques centaines, de témoignages contre les Témoins de Jéhovah, ces derniers ont déjà réuni 11 300 témoignages (chiffre attesté par huissier) favorables à leur Église (75) et rédigés par des personnes ne partageant pas leur foi ; et encore, il faudrait y ajouter tous ceux émanant des dizaines de milliers de fidèles pleinement épanouis dans leur religion. De plus, quand on s'intéresse de plus près aux témoignages des dites 'victimes', on se rend aisément compte que certains ne se montrent pas très cohérents et que les uns en contredisent trop fréquemment d'autres. Enfin, certains militants vont jusqu'à utiliser des affirmations qui relèvent de la diffamation publique (76).

Par ailleurs, il devient de plus en plus manifeste que ces militants antisectes adoptent un comportement sectaire, semblable à celui qu'ils dénoncent (77), comme l'a constaté le professeur Pierre Barrucand (chercheur au CNRS) à propos de l'ADFI, qu'il qualifie volontiers de " secte anti-secte " (78). En effet, ces prétendus opposants au sectarisme ne présentent pas du tout d'ouverture au débat et s'opposent totalement à tout contradictoire. Voici ce qu'à remarqué le journaliste et sociologue Frédéric Lenoir, lors d'une enquête sérieuse sur le phénomène sectaire :

" Notre première surprise fut de constater qu'il était beaucoup plus difficile d'obtenir la participation des associations de lutte contre les sectes et des principaux acteurs engagés dans ce combat que celle des sectes elles-mêmes ! Autant les principaux groupes contactés, tels les Témoins de Jéhovah ou l'Eglise de Scientologie, acceptaient, non sans réticence, sachant évidemment qu'ils seraient fermement contredits, de participer aux émissions, autant les acteurs de la mouvance antisectes commencèrent par s'excuser les uns après les autres. Il était hors de question pour eux de participer à des émissions où l'on donnerait la parole à des adeptes... et pire encore, à des sociologues des religions ! " (79)

Pour illustrer leur profond sectarisme, allant jusqu'à refuser la liberté d'expression à ceux qui subissent leurs critiques, mentionnons deux faits à rapprocher l'un de l'autre. Le 24 novembre 1995, était organisé dans les locaux de l'Assemblée nationale un colloque placé sous le thème " Actualité des associations cultuelles : Faut-il modifier la loi de séparation des Églises et de l'État ? " (80). Mais, du fait que deux avocats étaient conviés à présenter un exposé sur l'intégration juridique des Témoins de Jéhovah (81), une vive opposition des milieux " secticides " s'est manifestée contre la tenue de cette réunion. La Coordination nationale des victimes de l'organisation des Témoins de Jéhovah a plus particulièrement fait pression sur diverses personnalités pour empêcher des représentants des Témoins de Jéhovah de se joindre aux intervenants (82), à tel point que l'historien Bernard Blandre évoque franchement " une ambiance empoisonnée par la pression de la Coordination des victimes des Témoins de Jéhovah " (83). À son tour, le président de la commission d'enquête parlementaire sur les sectes, Alain Gest, est intervenu contre cette manifestation juridique (84). Pourtant, comme l'ont rappelé les différents intervenants, cette attitude non démocratique est regrettable dans un État de droit, d'autant plus que ce colloque se montrait justement une occasion de débattre sérieusement, puisque la parole était également laissée aux assistants. D'ailleurs, Marie Maurel, membre du bureau de la Coordination nationale, s'est vu offrir la possibilité de s'exprimer lors de la première séance de débats (85). Mais, la milice antisecte refuse le droit de parole à tous ceux qui risquent de les contredire... Comble de tout, moins de quatre années après s'être opposées à la tenue d'un colloque PUBLIC et ouvert au contradictoire, une vingtaine d'associations antisectes européennes se sont réunies, les vendredi 23 et samedi 24 avril 1999, dans ces mêmes locaux de l'Assemblée nationale à Paris, pour un colloque européen, organisé à l'initiative de la Fédération européenne des centres de recherche et d'information sur le sectarisme (FECRIS) et qui s'est déroulé, quant à lui, à HUIS-CLOS ! (86) Peut-on imaginer qu'une telle réunion secrète puisse s'organiser à l'Assemblée nationale et, en plus, par des groupes de pression qui s'étaient opposés à un autre colloque, qui était, pour sa part, public et ouvert à toute intervention et aux échanges contradictoires ! Finalement, on se demande qui est véritablement la secte, c'est-à-dire ceux qui n'admettent pas que l'on remette en cause leurs prétentions et qui organisent des réunions secrètes...

En fait, ce qui paraît le plus inquiétant n'est pas le sectarisme de ces associations privées, mais plutôt l'intérêt et le crédit qui leur sont portés. En effet, ces groupes semblent figurer la principale source d'information sur les sectes, ou sur les mouvements considérés comme tels, et exercent une grande influence sur les médias et sur les autorités politiques. Pourtant, il demeure évident que ces personnes militantes ne peuvent garantir à elles seules une information fiable et objective. Ainsi Françoise Champion et Martine Cohen, chercheurs aux CNRS, nous apportent-elles quelques éclaircissements sur les limites du militantisme antisectes dans leur ouvrage Sectes et démocratie :

" Les militants anti-sectes, à la différence des autres parties prenantes de la polémique - journalistes, juristes et juges, psychiatres ou psychologues, chercheurs en sciences sociales - pour lesquels ce problème ne présente pas a priori d'enjeu particulier, sont engagés personnellement et passionnément. Ces militants se sont donné une mission : combattre les « sectes ». En ce sens, toute leur action vise à imposer une représentation sociale des « sectes » comme source de dangers majeurs. Leur logique est celle d'un groupe de pression constitué de personnes motivées par une expérience douloureuse. Leur objectif premier est l'efficacité dans le travail de persuasion et non une connaissance objective des groupes - projet qui constitue au contraire le coeur même du travail des chercheurs. [...]

Il est clair qu'il n'entre pas dans le travail des associations anti-sectes de comprendre les raisons de l'engagement volontaire des adeptes ainsi que les motifs de satisfaction de ceux qui restent de leur plein gré membres d'un groupe. Refusant de fait de s'intéresser à ces derniers, les associations anti-sectes ont pour seule source d'information des parents inquiets, et donc d'emblée hostiles à l'engagement de leur proche, et des ex-adeptes refusant aujourd'hui toute responsabilité dans leur engagement antérieur, considérant que celui-ci relevait entièrement de la manipulation mentale et de la tromperie. Alors que les groupes controversés nient toute véracité aux propos dénonciateurs de leurs ex-membres, qu'ils qualifient péjorativement d'« apostats », les mouvements anti-sectes ne font au contraire appel qu'à ces derniers, qu'ils présentent comme des « victimes »... quels qu'aient été l'implication réelle et le temps d'engagement de ces ex-membres dans leur groupe ; c'est là méconnaître le processus d'adhésion (de croyance) qui a présidé à leur engagement, mais cela présente l'avantage de les décharger de toute responsabilité dans cet engagement personnel et dans les actes répréhensibles qu'ils auraient pu éventuellement eux-mêmes y commettre. [...]

Si l'on peut demander aux militants anti-sectes, comme à tout militant, d'éviter l'usage de certaines armes (dénonciations nominatives, appel exclusif à l'émotion, intense dramatisation, pratique de l'amalgame), on ne saurait donc exiger d'eux l'objectivité, car ce serait leur demander de renoncer à leur militance même. Quoi qu'il en soit, les groupes d'intérêt, les groupes de pression participent de nos démocraties. Et il est de bonne guerre qu'un groupe de pression veuille persuader l'opinion que son engagement est indiscutable. Il est en revanche dommageable que, non seulement l'opinion publique, mais également des éducateurs et divers responsables en matière d'éducation, de loisirs des jeunes, de travail social, ainsi que des « politiques », prennent les associations anti-sectes comme unique informateur (les politiques s'appuyant aussi sur les Renseignements généraux). Sur tous les autres sujets, ou presque, on ne voit pas l'opinion, la presse ou les responsables concernés prendre pour argent comptant les informations et les analyses des groupes de pression. Qu'il s'agisse de syndicats, d'associations écologistes, de défenseurs de la chasse, on sait qu'il s'agit de groupes qui ont pour objectif de faire prévaloir leurs intérêts et leurs convictions, et que leurs informations et leurs analyses doivent donc être contrôlées, recoupées avec d'autres sources, confrontées à d'autres analyses. " (87)

À propos de l'attitude et du rôle des médias dans la polémique antisectes, elles ajoutent :

" Les médias ont été le second acteur dans la construction sociale du problème social des « sectes ». Il y a là pour eux un sujet où il est aisé de tomber dans la facilité : un sujet où le sensationnel et le fantastique le disputent au frauduleux et où il est facile de se poser en défenseurs de victimes innocentes contre des escrocs à démasquer. Nombre de journalistes aiment ainsi à jouer au justicier...

Revenant sur le traitement médiatique des suicides-massacres des adeptes de l'Ordre du Temple Solaire, Roland Campiche montre ainsi comment les médias ont un « script » tout prêt. Au niveau individuel, tout est présenté comme comportement « anormal » et soumission à un gourou et, au niveau collectif, comme blanchiment d'argent, trafic d'armes ou d'influence. L'intérêt premier des médias réside dans la dramatisation des faits - comme s'ils tenaient là un bon feuilleton policier ! La question du sens, des idéaux des adeptes, c'est-à-dire, selon Roland Campiche, du « religieux », intéresserait d'autant moins les médias qu'ils manifestent un déficit patent de culture religieuse ; cela les conduit à ne voir dans les groupes sectaires que croyances farfelues et comportements anormaux et frauduleux 7. " (87)

Malgré tout, le gouvernement se laisse particulièrement influencer par la considération médiatique du phénomène sectaire et par la pression de ces lobbies antisectes. Pire : il cautionne ces associations privées par un soutien financier (88) et par une reconnaissance d'utilité publique !

Désinformation parlementaire

Sous les pressions antisectes, le gouvernement a donc pris, à partir de 1995, diverses mesures visant à lutter contre les mouvements sectaires soupçonnés d'être dangereux. Ces dispositions ont commencé par la création d'une commission d'enquête parlementaire, qui a rendu public le 10 janvier 1996 son rapport devenu célèbre : Les sectes en France (89). Ce rapport a fait l'objet de nombreuses critiques (90) pour deux raisons majeures : premièrement, ses auteurs ont restreint leurs sources d'information aux Renseignements généraux et aux associations antisectes, et deuxièmement, il établit une liste noire qui amalgame des groupes très différents les uns des autres, ne manifestant pas le même degré de dangerosité (91). En ce qui concerne plus particulièrement les Témoins de Jéhovah, on rappellera que les Renseignements généraux n'ont retenu aucun des dix critères de dangerosité contre eux et, de ce fait, ne les ont pas listés parmi les 172 sectes (92). Cependant, la commission se permet, non seulement, de les assimiler quand même aux sectes, mais encore, de formuler des accusations sans fondement contre eux ; d'ailleurs, l'emploi du conditionnel traduit la fiabilité de ces dernières, issues uniquement de la documentation d'activistes antisectes ou de témoignages marginaux. Mais, si la commission manque d'éléments solides contre les Témoins de Jéhovah (voir dans la première partie), pourquoi publier dans un document ' officiel ' des accusations non prouvées et les assimiler aux mouvements dangereux, desquels les R. G. les avaient séparés (d'autant que les R. G. ont sûrement eu connaissance de la même documentation provenant de l'ADFI et du CCMM) ? N'est-ce pas une désinformation ' officialisée ' à travers un document parlementaire, bafouant le principe même de la présomption d'innocence ?

Toutefois, ce document restait encore loin de la mauvaise foi qui ressort du second rapport parlementaire. Formée en décembre 1998, une autre commission d'enquête parlementaire a publié en juin 1999 son rapport Les sectes et l'argent (93). Ce rapport se montre inquiétant pour diverses raisons : premièrement, il institue un nouveau délit, celui de propriété ; de plus, au mépris de la présomption d'innocence, il présuppose certains mouvements coupables, alors que les faits tendent plutôt à les disculper ; enfin, il dévoile un jugement inégalitaire, puisque plusieurs accusations portées contre certaines confessions religieuses pourraient être étendues aux grandes religions, qui n'y sont pourtant pas évoquées. D'ailleurs, le président de la Fédération protestante de France a exprimé sa " grande réserve " après la publication de ce rapport : " Nous sommes inquiets de voir établir des listes, ce fichage nous semble dangereux ", a affirmé Jean-Arnold de Clermont, qui a évoqué un " climat inquiétant " et une " maldonne administrative " (94).

Comme cela a été indiqué précédemment, il se trouve que le rapporteur est Jean-Pierre Brard, qui a démontré sa virulence et sa mauvaise foi à l'égard des Témoins de Jéhovah à plusieurs reprises (95). Cela explique pourquoi, malgré des apparences trompeuses de modération, en admettant quelques faits favorables aux Témoins de Jéhovah, ce rapport se montre assez critique vis-à-vis de cette Église chrétienne. Voyons quelques points révélateurs de la partialité omniprésente dans ce texte ' officiel ' (96). En premier lieu, ce rapport use souvent de l'exagération, qui vise surtout les Témoins de Jéhovah (97), et fait preuve d'une partialité franchement inadmissible dans sa façon de juger, puisque les reproches faits à certains groupes religieux pourraient tout autant s'appliquer aux religions traditionnelles. Par exemple, à en croire le rapporteur de cette commission d'enquête sur les sectes et l'argent, les Témoins de Jéhovah ' draineraient ' des sommes très importantes d'argent, ce qui nécessiterait des dons conséquents de la part des fidèles, et posséderaient un " parc immobilier " considérable. Or, il faut bien évidemment replacer ces éléments dans leur contexte et les relativiser : d'une part, les Témoins de Jéhovah sont implantés en France depuis le début du siècle et rassemblent environ 250 000 pratiquants réguliers ou occasionnels, ce qui explique l'ampleur de leur patrimoine acquis sur plusieurs décennies et la valeur des recettes annuelles ; d'autre part, Jean-Pierre Brard, peu soucieux du principe d'égalité en jugeant avec impartialité l'ensemble des mouvements religieux (reconnus ou non), oublie de situer le financement et les propriétés des Témoins de Jéhovah par rapport à ceux des autres religions établies. En effet, on pourrait de cette manière découvrir que la valeur de leur patrimoine et de leurs recettes annuelles n'est pas si élevée qu'on cherche à le faire croire. Ainsi peut-on rapprocher le budget annuel de 150 millions de francs de leurs associations locales et nationales, reposant sur les offrandes d'environ 250 000 fidèles et sympathisants (dont 130 000 pratiquants réguliers), de celui de l'Église Réformée de France : 142 millions de francs (98), reçus de quelques 60 000 fidèles (parmi les 350 000 réformés français) qui cotisent pour financer l'institution (99). D'ailleurs, ces deux mouvements affichent un patrimoine immobilier équivalent : chacun dispose d'environ un millier de lieux de culte. Pareillement, la Fondation des Monastères a perçu, en 1996, 49 millions de francs au titre des dons et legs de fidèles (100). En outre, si l'on compare les dons moyens par fidèle et par année, ceux versés par les Témoins de Jéhovah à leurs associations (nationales et locales), soit 660 francs, se montrent inférieurs à ceux reçus, par exemple, par le diocèse catholique de Paris au titre du denier de l'Église et évalués à 1 669 francs (101). On se rend finalement compte que, quoique Jean-Pierre Brard laisse supposer, le financement et le patrimoine des Témoins de Jéhovah restent relativement proches de ceux des autres institutions religieuses reconnues.

Ensuite, le rapporteur s'efforce de présenter les activités des Témoins de Jéhovah comme étant soit commerciales soit motivées par un intérêt financier, alors que les faits mis en avant pour défendre cette idée se retrouvent aussi chez les religions classiques, qui demeurent sans reproche de la part du rapport. Un récent article de l'hebdomadaire Le Point apporte un éclairage très intéressant sur les critiques du rapporteur en relation avec la situation de l'Église catholique en France, la " référence cultuelle " française. Sous le titre " Églises et congrégations - un patrimoine en trompe-l'oeil " (102), il y est décrit le patrimoine de l'Église catholique, qui disposait en son temps d'une " fortune immobilière et foncière ". Aurait-elle été condamnée si cette " richesse " était restée de la même importance à notre époque ? J'en doute fort... Par ailleurs, voici ce que déclare encore le rapport parlementaire : " Le mouvement des Témoins de Jéhovah est certainement la secte qui montre le plus d'intérêt pour les investissements immobiliers. Cet intérêt répond à une volonté d'affirmer la présence de l'organisation sur l'ensemble du territoire à travers le millier de salles du royaume [...] Les acquisitions réalisées par les instances nationales correspondaient davantage à un souci de gérer la fortune de la secte « en bon père de famille », et de placer ses économies dans la pierre afin de loger des adeptes. " (p. 182, 183.) Parallèlement, il est intéressant de noter que " le diocèse [de Paris] reconnaît près de 600 « adresses » (sans faire la distinction entre appartements et immeubles), dont 120 lieux de culte ". Tandis que le diocèse catholique de Paris possède un tel patrimoine, dont seul un cinquième est formé de lieux cultuels, que peut-on honnêtement reprocher aux Témoins de Jéhovah qui ont acquis essentiellement des édifices cultuels pour pratiquer leur religion. De plus, en ce qui concerne le ' logement des adeptes ', il ne profite qu'aux 300 bénévoles à plein temps au siège nationale, ce qui reste conforme, toujours selon ce même article, aux " bâtiments [...] dédiés au culte, entendu dans un sens extensif (ce qui inclut les logements de prêtres, les séminaires, les maisons d'oeuvre...) " que peuvent acquérir les associations diocésaines.

Mais cette mauvaise foi a atteint son apogée lorsque le rapporteur de la commission parlementaire laisse échapper cette réflexion ridicule : " Dans toutes les salles du royaume des Témoins de Jéhovah, a été installé un tronc par association destinataire de la générosité des adeptes, rappelant ainsi l'importance que l'argent joue au sein de la secte. " (p. 166) Quelle remarque absurde ! Dans la plupart des Églises, y compris les Églises catholiques qui figurent le " religieusement correct ", on retrouve des troncs prévus pour les offrandes ; il est même de coutume dans certaines grandes religions, telles que l'Église catholique, de faire passer un plateau pour les contributions lors de cérémonies religieuses, ce qui, par ailleurs, ne se fait pas chez les Témoins de Jéhovah. Ainsi cet argument, censé prouver que l'argent jouerait plus d'importance chez les Témoins de Jéhovah que chez les autres confessions, se révèle-t-il tout à fait sans valeur. De la même manière, les propos tels que " Les sectes considèrent que les dons constituent un acte naturel dans la vie de leurs adeptes " (p. 166) ou " Les mouvements les plus riches ont acquis leur fortune à partir des « offrandes » de leurs adeptes " (p. 165) se montrent totalement inopportuns, puisqu'ils pourraient tout aussi bien s'appliquer aux cultes traditionnels. D'ailleurs, toute religion organisée nécessite généralement un soutien financier pour vivre : par exemple, la religion majoritaire en France fait régulièrement appel à la générosité de ses membres et même à celle des autres, par l'envoi d'un courrier destiné à chaque foyer et encourageant le " denier de l'Église ". En effet, comme le rappelait un reportage de L'Express : " Evangéliser, c'est bien. Mais il faut aussi faire rentrer des subsides. " (103)

Il apparaît donc clairement que le rapport cherche à tout prix à associer les activités religieuses des Témoins de Jéhovah à une simple entreprise lucrative (104). Aussi le rapport assimile-t-il l'évangélisation des Témoins de Jéhovah à une vulgaire démarche commerciale. Pourtant, l'évangélisation pratiquée par les Témoins de Jéhovah se retrouve aussi dans d'autres confessions chrétiennes 'religieusement correctes'. Tandis que les canons catholiques encouragent l'évangélisation (105), un article de L'Express, intitulé " Les VRP du Christ " (106), explique comment, dans la pratique, certains chrétiens, protestants et catholiques, usent de méthodes de marketing pour propager leur foi. Par exemple, un Cambrésien catholique, qui a participé à une opération de distribution d'une cassette vidéo sur la vie de Jésus et de l'Évangile de Luc, rappelle qu'il " considère le porte-à-porte comme un acte de foi " et avoue : " On nous confond parfois avec les Témoins de Jéhovah. " De même, l'évêque des Yvelines a encouragé ce projet, en soulignant qu'il s'agissait " d'offrir aux paroisses des « outils modernes d'évangélisation » ". D'où l'introduction du reportage : " Porte-à-porte, mailings, sites Internet... Pour récupérer les brebis égarées, les chrétiens découvrent le marketing " (106). Comme quoi les méthodes de marketing ne sont pas incompatibles avec la pratique cultuelle... De plus, à la lecture du dossier " Couvents et Cie " du journal Le Monde(107), il devient difficilement compréhensible l'insistance de cette commission parlementaire à condamner les Témoins de Jéhovah pour leurs activités prétendues lucratives. Car, comment accuser les Témoins de Jéhovah de sortir de leur cadre cultuel et d'intégrer le domaine commercial sous prétexte qu'ils diffusent en grande quantité des publications religieuses, ce qui demeure en lien direct avec l'évangélisation (108), tandis que " Abbayes et couvents se lancent dans les affaires ". En effet, " certains des 385 cloîtres de France ont délaissé ou réduit leurs activités agricoles traditionnelles pour se tourner vers des secteurs plus rentables [...] une véritable industrie monastique se développe, qui illustre cette nouvelle volonté d'intégration au sein du système économique " (107). Si ces activités ont pour but de subvenir aux besoins monastiques, elles n'en restent pas moins très éloignées de l'objet cultuel des couvents ; en tout cas, toujours plus que les activités soi-disant commerciales des Témoins de Jéhovah. Mais alors, la République française, dont l'Égalité embellit la devise, accepterait-elle deux mesures dans son jugement ?

Par ailleurs, la manière dont le rapporteur traite la jurisprudence sur le statut cultuel des Témoins de Jéhovah me semble particulièrement à revoir. Après avoir rappelé la décision du Conseil d'État rendue le 1er février 1985, le rapport affirme que la Haute Juridiction a réaffirmé sa position dans un avis du 24 octobre 1997 (p. 72). Mais, en réalité, cet avis ne confirme que les conditions requises pour constituer une association cultuelle et non la position du Conseil d'État sur le cas particulier des Témoins de Jéhovah. C'est pourquoi 80% des décisions rendues (au moment de la rédaction du rapport) par les tribunaux administratifs ont reconnus le caractère cultuel, au sens de la loi de 1905, des associations locales des Témoins de Jéhovah. Les tribunaux administratifs seraient-ils dans leur majorité incompétents ? M. Brard se croirait-il plus compétent que ceux-ci pour juger ce qui relève de leur compétence ? On précisera que la décision du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qu'il cite comme référence parce que défavorable aux Témoins, a finalement été annulée par la Cour d'appel de Lyon le 6 octobre 1999 (décision d'appel confirmée par le Conseil d'État le 23 juin 2000). Mais la conclusion qu'il offre se montre encore plus révélatrice de son état d'esprit : " Si, à l'issue de ce contentieux, la jurisprudence administrative devait être inversée et aboutir à une reconnaissance de la qualité cultuelle des associations sectaires, la Commission considère qu'il conviendrait de réexaminer les textes. Une telle reconnaissance entraînerait le bénéfice d'avantages financiers et fiscaux dérogatoires au droit commun des associations et, surtout, donnerait aux mouvements sectaires la reconnaissance religieuse qu'ils revendiquent. " (p. 73) D'une part, il faut éviter les généralisations inopportunes : accorder le statut d'association cultuelle aux Témoins de Jéhovah ne signifie pas reconnaître l'ensemble des sectes. Les Témoins de Jéhovah sont d'ailleurs reconnus dans de nombreux pays, sans que ce soit pour autant le cas de la majorité des sectes. Le rapporteur manquant d'arguments suffisants pour nier cette qualité cultuelle aux Témoins de Jéhovah, il tente d'associer, à tort, leur reconnaissance à celle d'associations effectivement condamnables. D'autre part, M. Brard considère que, dans l'éventualité (concrétisée le 23 juin 2000) où le Conseil d'État reconnaîtrait cultuelles les associations liées au culte des Témoins de Jéhovah, le Conseil d'État deviendrait alors incompétent, tout comme la loi, puisqu'il considère qu'il faudrait finalement modifier la loi. En somme, tout ce qui ne va pas dans le sens de ses idées, tant les juges que la loi, doit donc être changé... Jusqu'où est-il prêt à aller pour que les Témoins de Jéhovah ne se voient pas accorder un statut reconnaissant leur respectabilité ? Mieux vaut ne pas y penser...

Pour finir, on notera principalement que ce rapport ne se fonde que sur une présentation fallacieuse et sur une interprétation des faits faisant appel à la présomption, non pas d'innocence, mais de culpabilité. L'exemple le plus marquant est l'insistance du rapporteur à présenter les activités des Témoins de Jéhovah comme lucratives, alors qu'il est forcé d'avouer ce seul fait fiable : " le contrôle [fiscal] des Témoins de Jéhovah n'a pas pu établir le caractère lucratif des activités déployées " (109). Pourtant, on peut se persuader que le fisc a cherché en profondeur, jusqu'au moindre détail, à établir ce caractère lucratif... Alors, si, à l'issue d'un contrôle fiscal d'une durée de 18 mois sur 1996-97, la Direction des Services fiscaux des Hauts-de-Seine a confirmé le caractère non lucratif des activités de l'Association " Les Témoins de Jéhovah ", comment M. Brard peut-il défendre le contraire, sans aucun élément de preuve solide et qui, en plus, ait été ignoré par l'administration fiscale ? Aurait-il eu une révélation métaphysique... ?

Ajoutons que, à la suite de ce rapport parlementaire, le Consistoire national des Témoins de Jéhovah a commandé au cabinet londonien Grant Thornton International, sixième cabinet mondial d'audit, un vaste audit financier portant sur les finances et le patrimoine de leurs associations nationales. Ce travail d'experts indépendants, mené sur l'équivalent de 60 semaines, démontre la parfaite régularité des comptes des associations nationales des Témoins de Jéhovah, ainsi que le caractère désintéressé de leurs activités. Il établit notamment que le fonctionnement de ces associations est " non lucratif et non spéculatif, conforme au statut légal des associations " (110). Encore une preuve du manque de fondement des reproches de M. Brard...

Enfin, de nombreuses autres corrections seraient encore à apporter à ce rapport, mais il reste plus important à traiter, notamment les attaques, non plus seulement verbales, mais exécutives contre les Témoins de Jéhovah. En effet, après une campagne de désinformation dirigée contre leur religion, il devient plus facile de s'attaquer directement à leurs activités cultuelles, avec une moindre réaction publique. C'est d'ailleurs pour cette raison que ces militants tiennent tant à les séparer du domaine religieux, pour qu'on ne puisse les accuser de porter atteinte à leurs libertés religieuses, en l'occurrence leurs libertés de conscience et de culte.

L'arme fiscale : quand la discrimination se prétend légale...

L'attaque la plus manifeste portée contre l'Église des Témoins de Jéhovah est la décision de taxer, à hauteur de 60%, les dons versés à l'Association " Les Témoins de Jéhovah ". En effet, après avoir été l'objet d'un contrôle fiscal d'une durée de 18 mois sur 1996-97, qui a conclu au caractère non lucratif des activités de l'association, l'Association" Les Témoins de Jéhovah " a reçu en mai 1998, de la part de la direction des services fiscaux des Hauts-de-Seine-sud, une notification de 300 millions de francs, correspondant à 150 millions de taxe au barème de 60% sur les dons reçus durant quatre années auxquels s'ajoute un montant égal de pénalités et d'intérêts (111). Bien que cette décision soit affichée comme une application impartiale de l'article 757 du Code général des impôts, elle traduit plutôt une tentative d'entraver, si ce n'est d'anéantir, les activités des Témoins de Jéhovah en France.

Tout d'abord, même si d'aucuns soutiennent le contraire, cette décision de l'administration fiscale se montre véritablement discriminatoire. Car, parmi l'ensemble des associations religieuses, seules l'Association " Les Témoins de Jéhovah " ainsi qu'une autre association ont été soumises à cette taxation (112). Pour quels motifs ? Seules les associations cultuelles en seraient exonérées et " « Les Témoins de Jéhovah n'en sont pas une », réplique-t-on à la Direction générale des impôts. Et l'on renvoie au ministère de l'Intérieur, où le Bureau central des cultes s'abrite derrière la décision toujours en vigueur du Conseil d'Etat, en 1985, refusant aux Témoins de Jéhovah le statut d'association cultuelle. " (113) Comme le souligne bien ce journaliste, personne ne semble vouloir prendre ses responsabilités... D'autant plus que ce prétexte ne tient pas du tout. Car, outre le fait que l'association concernée ne se prétend pas cultuelle, puisqu'elle est déclarée suivant le régime des associations à but non lucratif (loi de 1901), toutes les associations non reconnues cultuelles ne se voient pas réclamer cette taxe. Par exemple, aucune association catholique, protestante ou musulmane n'est l'objet de cette application de la loi du 19 mai 1992, alors que, selon des statistiques de 1993 (114), 90% d'entre elles ne sont pas considérées comme cultuelles au sens de la loi de 1905. Il semblerait même que cette taxe ne soit pas réclamée à une grande majorité des associations à but non lucratif (loi de 1901), religieuses ou non. Alors, n'est-ce pas une application totalement arbitraire et partiale de la loi ? Le pays des Droits de l'homme aurait-il oublié le principe d'égalité de tous devant la loi ?

De plus, cette taxation à 60% des dons manuels porte directement atteinte aux libertés fondamentales de ces chrétiens. Non seulement la liberté d'association se trouve bien entravée quand on restreint de plus de la moitié les moyens d'existence de celle-ci, mais encore la liberté de culte ne peut être effective si une religion ne peut disposer pleinement de ses ressources, nécessaires au développement de ses activités cultuelles. Chacun sait que tout exercice publique d'un culte réclame des moyens matériels. Dans le cas qui nous intéresse, il apparaît clairement que le culte des Témoins de Jéhovah se trouve bel et bien menacé par ce redressement fiscal, qui équivaut à cinq années de dons. On comprend aisément les difficultés que cette dénomination, privée pendant cinq ans de ressources, risque de rencontrer, lorsqu'on pense aux soucis des Églises traditionnelles qui reçoivent un denier du culte insuffisant et pourtant non nul. D'ailleurs, cette menace de taxation des offrandes inquiète aussi les grandes confessions. Ainsi pouvait-on découvrir dans la revue Les Amis des monastères que " les communautés non reconnues qui recevaient directement des dons manuels ne peuvent délivrer aucun reçu fiscal. Pire, une menace fiscale existe bel et bien à leur endroit. " Une note précise même que " si l'association devait être taxée il y aurait un espace de discussion juridique à défendre contre l'administration " (115).

En outre, il apparaît clairement que ce redressement n'est pas le résultat d'une application légitime de la loi, mais bien plutôt une attaque d'un groupe de parlementaires contre les Témoins de Jéhovah. L'une des preuves réside dans le fait que ce soient " les impulsions données par l'Observatoire [interministériel sur les sectes] qui ont permis [...] de poursuivre fiscalement les Témoins de Jéhovah " (116). Étant donné que le contrôle fiscal effectué auprès de l'Association " Les Témoins de Jéhovah " n'a rien relevé de particulier, pourquoi la direction des services fiscaux n'a-t-elle décidé que quelques mois plus tard de taxer les dons manuels reçus par ce mouvement, uniquement sous la pression d'un corps totalement étranger à l'administration fiscale ? Si cette taxe avait été due, l'administration n'aurait certainement pas attendu qu'on l'y force pour la réclamer ! De plus, les motivations de ses instigateurs sont aisément identifiables. Cette déclaration du rapporteur de la première commission d'enquête sur les sectes, Jacques Guyard, lors de débats parlementaires à l'Assemblée nationale, me paraît très claire : " la seule administration qui nous est apparue efficace face au phénomène sectaire est celle qui s'intéresse le moins à l'aspect religieux : je veux parler du fisc. Le fisc n'a pas l'âme métaphysique (...) plusieurs mouvements ont d'ailleurs dû quitter la France à la suite de redressements fiscaux " (117). Jean-Pierre Brard apporte sa confirmation : " La Commission s'étonne que la taxation des dons manuels ne concerne que deux mouvements. Elle tient à rappeler que ces dons constituent la principale source de revenus des sectes, et qu'il n'existe aucune raison de les exonérer des droits de donation prévus par la loi. " (118) Les motivations de cette taxation des dons manuels destinés à l'Association " Les Témoins de Jéhovah " ne peuvent être plus explicites : éliminer les Témoins de Jéhovah du paysage cultuel français en s'attaquant à leurs moyens d'existence. On comprend mieux le rapprochement établi avec les Huguenots et l'évocation du 400e anniversaire de l'Édit de Nantes...

Notons que la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), par l'intermédiaire de son président, apporte une justification bien lamentable de cette acharnement contre la troisième Église chrétienne de France. Par exemple, Alain Vivien, prêt à tout pour défendre ces atteintes aux libertés d'association et de culte, a déclaré dans la revue protestante Le Christianisme au 20e siècle : " les Témoins de Jéhovah qui ont saisi 40 juridictions pour faire établir la réalité de leur objectif cultuel ont peut-être eu gain de cause en première instance. Mais ils ont perdu tous les procès en appel demandés par le Secrétariat d'Etat au Budget. [...] Dans ces conditions, il n'y a pas un tribunal administratif qui donnerait raison aux Témoins de Jéhovah en raison de leur refus de respecter le service national même par le biais de l'objection de conscience et leur refus de certains soins médicaux pour leurs enfants. [...] En cela, je ne vois pas pourquoi la République serait suspecte de persécuter les Témoins de Jéhovah " (119). La fin justifierait-elle les moyens, pour que le président de la MILS use si facilement du mensonge ? Premièrement, il est entièrement faux d'affirmer que les Témoins de Jéhovah " ont perdu tous les procès en appel demandés par le Secrétariat d'Etat au Budget " : non seulement, la majorité de ces affaires pour lesquelles l'administration fiscale a interjeté appel n'avaient pas encore été jugées à ce moment-là par les cours administratives d'appel, mais surtout, les six cours administratives d'appel qui se sont prononcées pour le moment, sur les sept en fonction, se sont toutes prononcées contre le recours du ministère de l'Économie, avec confirmation du Conseil d'État (120). Deuxièmement, son affirmation selon laquelle il n'y aurait " pas un tribunal administratif qui donnerait raison aux Témoins de Jéhovah " s'avère totalement absurde, puisque, comme il y fait d'ailleurs allusion dans son commentaire, quasiment tous les tribunaux (25 contre 3) ont justement ' donné raison ' aux Témoins de Jéhovah. Ce représentant de la MILS prétendrait-il avoir la science infuse ? Sinon, comment expliquer qu'il dévoile l'issue de procès en appel encore non jugés et qu'il se présente comme mieux à même de juger le caractère cultuel que les juridictions compétentes en ce domaine ? Bref, on constate que la position officielle auprès du gouvernement de ces militants n'assure pas la fiabilité des informations qu'ils délivrent...

Cependant, cette attaque fiscale ne figure qu'une partie des difficultés que rencontrent les Témoins de Jéhovah pour pratiquer sereinement leur culte.

Entraves à la liberté de culte

La presse se fait régulièrement l'écho d'oppositions manifestées dans certaines communes contre l'édification de lieux de culte destinés aux Témoins de Jéhovah. Les quelques meneurs de l'opposition font alors généralement pression sur le maire pour que celui-ci refuse le permis de construire demandé. Or, comme l'indique une réponse du ministre de l'Intérieur (dont dépend le département des cultes) au député Brard (encore lui !) : " le fait pour l'autorité administrative compétente de refuser un permis de construire en s'appuyant sur des considérations étrangères à l'urbanisme [...] constituerait un détournement de pouvoir [...]. Il n'existe donc aucune possibilité légale de fonder un refus de délivrance d'un permis de construire sur le caractère supposé "sectaire" du groupement qui le sollicite " (121). Malgré cela, certains maires se placent au-dessus de la loi et refusent le permis de construire simplement parce que ce dernier profiterait aux Témoins de Jéhovah, conformément à ce qui est publié dans la presse. Mais, à la différence des raisons clairement affichées, les motifs du refus présentés officiellement appartiennent à un autre domaine : l'urbanisme. Pourtant, même si la décision de la municipalité paraît, au premier abord, légale, elle demeure, dans le fond, discriminatoire et donc illégale. En effet, si un permis de construire similaire avait été présenté par une autre association, il n'aurait probablement pas été rejeté. C'est pourquoi certains tribunaux administratifs ont été amenés à annuler des refus de permis de construire, comme à Noisy-le-Grand (122). D'autres élus municipaux ont usé de leur droit de préemption pour empêcher les Témoins de Jéhovah d'acquérir un terrain, destiné à la construction d'une salle cultuelle. Mais, cette démarche a été condamnée à plusieurs reprises par des tribunaux administratifs (123). Ainsi, alors que la municipalité de Dadonville (Loiret) avait utilisé son droit de préemption sur un terrain convoité par les Témoins de Jéhovah pour s'opposer à l'édification de leur lieu de culte, le Tribunal administratif d'Orléans a condamné la commune, par une décision rendue le 20 avril 2000, concluant " [qu'il] y a détournement de pouvoir. L'endroit choisi n'est pas incompatible avec le caractère d'habitat de la zone. " (124) Enfin, quand certains maires se montrent soucieux de la légalité, certains opposants renvoient l'affaire devant les juridictions administratives. Par exemple, à Saint-Paul-de-Vence, des opposants ont tenté de faire annuler le permis de construire accordé aux Témoins, mais ils ont été déboutés de leur requête par le Tribunal administratif de Nice (125).

En somme, tous les moyens sont bons pour empêcher les Témoins de Jéhovah de disposer d'une salle pour se réunir. Ces machinations contreviennent réellement à la liberté d'exercer un culte, comme l'a confirmé la Cour européenne des Droits de l'homme lors de difficultés rencontrées par les Témoins de Jéhovah pour ouvrir une salle de prière en Grèce (126). D'ailleurs, dans un courrier répondant à une commune, le ministère de l'Intérieur (comprenant le Bureau des Cultes) indiquait clairement que " la Cour de cassation et le Conseil d'Etat considèrent les Témoins de Jéhovah comme pratiquant un culte qui ne peut faire l'objet d'aucune mesure discriminatoire " (127). Surtout qu'aucune raison valable n'est invoquée pour justifier ces entraves à leur culte. Ainsi, alors que le maire de Brie-Comte-Robert a refusé aux Témoins de Jéhovah un permis de construire pour une salle d'assemblée, un journaliste du Parisien a mené une enquête édifiante sur ces croyants : " Les TJ, comme on les appelle, sont particulièrement connus et puissants en Seine-et-Marne. Avec 13 salles du royaume implantés sur le département, c'est le mouvement sectaire le plus représenté. Particulièrement discrets, les adeptes ne dérangent pas vraiment la vie locale. A en croire en tout cas les maires des villes ou villages où ils existent. " (128) Alors, s'ils ne dérangent pas la vie locale, pourquoi tant de tapage autour d'une construction d'un lieu de culte ? Apparemment, on se retrouve plus dans un cas d'intolérance religieuse que dans un soucis de protéger les habitants d'une commune. La situation n'est d'ailleurs pas nouvelle. Lorsque les Témoins de Jéhovah venaient d'acquérir un terrain à Louviers (Eure) pour étendre leur centre cultuel national, avec l'accord du maire, une vive opposition s'est levée. En conclusion d'un article couvrant cette affaire, un journaliste de L'Express évoque la raison de l'organisation d'une journée " portes ouvertes " par les Témoins : " Histoire de montrer [...] que, à l'exception -- reconnue -- d'un « porte-à-porte parfois un peu casse-pieds », personne, ni à Louviers ni ailleurs, n'avait eu, jusqu'alors, de motif sérieux de se plaindre d'eux... " (129) Là encore, les manifestations contre ce projet d'extension du siège national se révélaient donc tout à fait injustifiées.

Ensuite, les actions menées contre la construction de salles cultuelles ne suffisant apparemment pas, les associations antisectes font particulièrement pression sur les villes louant leurs stades ou parcs d'expositions aux Témoins de Jéhovah pour leurs grands rassemblements annuels (130). S'ajoute au fait que ces militants proposent, comme à leur habitude, des arguments qui manquent de consistance, celui qu'une telle attitude est contraire à la légalité. En réponse à une question de M. Brard (toujours lui...) sur les possibilités de refuser la location de locaux municipaux aux sectes, le ministre de l'Intérieur a rappelé : " La réserve de l'ordre public étant mise à part, il convient en effet de rappeler qu'il ne peut être dérogé au principe d'égalité qu'à la condition qu'une différence objective de situation le justifie. Il paraît très difficile à cet égard de se fonder sur l'appréciation du caractère sectaire que présenterait une association. En effet, aux termes de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, la France, république laïque, respecte toutes les croyances. Dès lors, le droit ignore la notion de secte, à laquelle n'est attachée aucune conséquence juridique. L'appréciation du caractère sectaire d'une association est nécessairement subjective. La qualification de "secte" donnée à certains groupements ou associations ne saurait donc, à elle seule, fonder légalement un refus de mise à disposition. Même si la commission parlementaire sur les sectes a estimé qu'une association donnée avait un caractère sectaire, la municipalité concernée ne peut, en se fondant sur ce seul motif, refuser de louer une propriété communale. Un refus ainsi motivé serait gravement attentatoire à la liberté de culte à valeur constitutionnelle. " (131)

Par conséquent, il ressort de manière évidente que ces entraves injustifiées à la construction d'édifices de culte et aux rassemblements cultuels constituent véritablement une violation de la liberté de culte.

La liberté de conscience mise en péril

De son côté, la liberté de conscience n'est pas épargnée. D'une part, étant donné qu'elle désigne aujourd'hui le droit de jouir d'une liberté complète en matière religieuse, y compris la liberté de culte, la liberté de conscience se trouvent donc relativement compromise par les atteintes à la liberté de culte. Les atteintes mentionnées précédemment témoignent donc en partie de la violation de la liberté de conscience. D'autre part, cette dernière se trouvent également fort menacée par les problèmes rencontrés par certains Témoins de Jéhovah uniquement pour des motifs touchant à leurs convictions religieuses.

Parmi les différents cas liés à cette question, on retiendra plus particulièrement celui des enseignants professant la foi des Témoins de Jéhovah. Le quotidien La Croix a récemment consacré une enquête au thème " Peut-on enseigner en étant Témoin de Jéhovah ? " (132) Cet article rend compte d'une affaire ayant " meurtri " une enseignante de Liffré (Ille-et-Vilaine), qui a dû laisser son poste pour une autre place de remplacement, à cause de la tournure des événements faisant suite aux manifestations de parents ayant appris son appartenance aux Témoins de Jéhovah. En conséquence, elle a effectué, durant trois années scolaires, des remplacements au détriment de sa vie familiale. Finalement, elle a retrouvé son poste à Liffré. Mais, ces difficultés occasionnées à cette enseignante étaient-elles justifiées ? Probablement pas, puisque, comme l'explique l'inspecteur d'Académie, elle n'avait jamais fait parler d'elle durant ses vingt années d'ancienneté et il n'y avait rien à lui reprocher. De même, Ségolène Royal, ministre délégué à l'enseignement scolaire, indique qu'" il n'y avait rien à lui reprocher dans le cadre de ses fonctions " et résume l'affaire en ces mots : " la personne en cause -- dont on doit respecter la liberté de conscience -- n'a jamais quitté la fonction publique, qui n'a d'ailleurs aucun grief contre elle. Je viens d'apprendre, au demeurant, que la rentrée scolaire s'est bien passée et que l'émotion semble retombée. " De plus, des parents d'élèves n'ont pas hésité à témoigner en sa faveur.

Une situation similaire, rapportée par Le Figaro (133), a été rencontrée à Saint-Philibert (Morbihan). À son retour de congé parental, une enseignante, exerçant sa fonction depuis dix-sept ans, a vu sa classe diminuer. Ceci parce que des parents ont retiré leurs enfants, alors pris en charge par une association formée à l'occasion. Une fois encore, la polémique s'est levée autour de la religion à laquelle adhérait l'enseignante : celle des Témoins de Jéhovah. Pourtant, les témoignages de parents qui la défendent ne manquent pas : " C'est une excellente institutrice, disponible, équitable. Cela compte, non ? Et elle n'a jamais fait de propagande à l'école " ; " Je la connais bien et je respecte ses convictions ". Un conseillé municipal renchérit : " Mon fils de 21 ans a eu pour instituteur un Témoin de Jéhovah. Je peux vous assurer qu'il n'a été aucunement influencé. " L'instituteur en question est le mari de l'enseignante, qui a dû demander sa mutation à la suite de manifestations du même genre. Me Isabelle Wanschoor, son avocat explique : " En 18 ans de carrière, Catherine Guyard a fait un parcours sans faute. Elle a toujours exercé dans le strict respect des valeurs de la laïcité et n'a jamais fait de prosélytisme. Elle est victime d'une cabale orchestrée par six parents d'élèves, alors qu'une cinquantaine ont témoigné en sa faveur. Elle n'a rien a se reprocher dans l'exercice de ses fonctions. " Ce que confirme le recteur de l'Académie de Rennes. L'instigatrice de cette opération a d'ailleurs été condamnée à payer à l'enseignante 4 000 francs, en plus des dépens, par le Tribunal de Grande Instance de Lorient, qui a reconnu " fautifs " les écrits qu'elle avait affichés, parce que ceux-ci contenaient " des révélations sur l'appartenance de Madame GUYARD au mouvement des Témoins de Jéhovah, lesdites révélations étant clairement inspirées par une volonté évidente de nuire et de susciter des attitudes discriminatoires " (134).

Ces deux exemples nous montrent déjà comment certains Témoins de Jéhovah subissent des préjudices professionnels et moraux, sans justification autre que leur appartenance confessionnelle. C'est donc bel et bien une violation de leur liberté de conscience.

Par ailleurs, une assistante maternelle a perdu son agrément pour la simple raison qu'elle refusait de fêter Noël et les anniversaires des enfants qu'elle gardait. Ce motif de licenciement a été jugé " un peu léger " par le commissaire de gouvernement, généralement suivi par le tribunal administratif (135). Pourtant, le Tribunal administratif de Lyon a confirmé cette décision du Conseil général de l'Ardèche (136). Si la position de cette assistante maternelle n'est pas partagée par tous les Témoins de Jéhovah, il n'empêche qu'elle a été sanctionnée à partir de questions religieuses, sans que sa position ait, dans les faits, de graves répercussions sur les enfants. D'où ces questions pertinentes de Jean-Paul Willaime, directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études : " En retirant, comme l'a fait le Conseil général de l'Ardèche, son agrément à une assistante maternelle témoin de Jéhovah qui refusait de fêter Noël et les anniversaires des enfants, n'est-ce pas faire preuve d'intolérance ? Fêter Noël deviendrait-il une obligation républicaine ? " (137).

Plus récemment, dans une affaire semblable, le Tribunal administratif de Dijon a estimé une décision de refus d'agrément d'une assistante maternelle entachée d'une erreur de droit. Effectivement, ce refus reposait sur des risques supposés que présentait cette dernière en tant que Témoin de Jéhovah pour le développement des enfants. Le tribunal a dès lors considéré que cette décision n'avait pas été prise à l'issue d'un examen de la situation personnelle de l'intéressée, mais sur des considérations générales. D'où l'annulation de cette décision par son arrêt du 28 septembre 1999.

Ces difficultés rencontrées ne suffisant pas, semble-t-il, à leurs yeux, certains opposants réclament carrément que l'accès à la fonction publique soit interdit aux Témoins de Jéhovah ! Après la propagande, arrivent les manœuvres pour marginaliser et la répression progressives : cela ressemble étrangement aux premières actions menées par le National-Socialisme en Allemagne contre les Juifs, et même contre les Témoins de Jéhovah (138). Jusqu'à quel point ces militants soutiennent-ils des méthodes répressives propres à l'Allemagne nazie ou à la France sous le gouvernement de Vichy ? En tout cas, le député Jean-Pierre Brard (insatiable...) a, cette fois-ci, interpellé le ministre de la Fonction publique " sur les conséquences de la suppression du service national au regard de l'accès à la fonction publique des Témoins de Jéhovah " (139). En effet, les jeunes appelés témoins de Jéhovah condamnés pour refus d'accomplir le service national, pour des motifs de conscience, ne pouvaient généralement pas accéder à la fonction publique, en raison de la mention de cette condamnation dans leur casier judiciaire. Mais à présent que les jeunes Témoins de Jéhovah accomplissent un service civil en tant qu'objecteurs de conscience et que le service national obligatoire est sur le point d'être supprimé, il ne demeure aucun obstacle à leur entrée dans le monde des fonctionnaires et des agents publics. Ce que regrettent des personnes intolérantes, telles que ce député. En réponse à cette question, le ministre de la Fonction publique a rappelé le droit : " Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 6 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983, « la liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires, aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe, de leur état de santé, de leur handicap ou de leur appartenance ethnique ». Cet article est la traduction statutaire de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel « (...) Tous les citoyens étant égaux à ses yeux (la loi), sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Il en résulte que la liberté de pensée est garantie à toute personne désirant entrer dans la fonction publique. Il en va de même de la liberté de pratique dès lors que cette pratique est sans incidence sur le bon fonctionnement du service. " (139). Ainsi donc, tant que ses convictions religieuses n'entravent pas le bon fonctionnement de son service, il n'y a aucune raison valable pour interdire à un Témoin de Jéhovah l'accès à la fonction publique.

C'est exactement ce qu'a confirmé la Cour européenne des Droits de l'homme dans une récente décision (140) : elle a condamné la Grèce pour son refus de nommer un Témoin de Jéhovah à un poste d'expert-comptable uniquement sur la base de sa condamnation pour objection de conscience, sans que celle-ci n'ait de répercussion sur les capacités de l'intéressé à exercer cette profession. D'une manière générale, cette décision souligne que les autorités ne peuvent refuser à une personne l'accès à une fonction professionnelle en motivant sa décision uniquement sur des considérations religieuses, sans aucune justification objective et raisonnable ; dans le cas contraire, elles contreviendraient aux grands principes défendus par la Convention européenne des Droits de l'homme, ratifiée par la France.

Il y aurait quantité d'autres exemples qui pourraient être mentionnés et qui révèlent un manque de respect de la liberté de conscience. Mais ces quelques cas suffisent à faire prendre conscience des soucis que peuvent rencontrer les Témoins de Jéhovah en France.

France vs. Religion

En réalité, ces atteintes portées contre les libertés religieuses des Témoins de Jéhovah rappellent fort justement l'anticléricalisme passé, en ce que ce combat que l'on prétend, au départ, mener contre les sectes semble aujourd'hui dériver vers une lutte antireligieuse. En effet, les mesures discriminatoires prises à l'encontre des Témoins de Jéhovah en particulier pourront, un jour ou l'autre, être étendues au monde religieux en général : ce combat mené contre toute croyance ou pratique religieuse se limite pour l'instant aux mouvements controversés, pour des questions de commodité ; mais les autres religions restent probablement dans la même ligne de mir.

Fort heureusement, les représentants religieux français semblent avoir tiré leçon de ces paroles, attribuées au pasteur allemand Martin Niemöller :

" Quand ils sont venus chercher les communistes,
Je n'ai rien dit.
Quand ils sont venus chercher les Juifs,
Je n'ai rien dit.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je n'ai rien dit.
Quand ils sont venus me prendre,
Il n'y avait plus personnes pour me défendre... "

(Dachau, 1942.)

Ainsi les responsables des principales grandes religions commencent-ils à réagir contre le renforcement de la lutte contre les sectes, qui pourrait se retourner tôt ou tard contre l'ensemble des religions. Comme cela a été traité précédemment, la taxe à hauteur de 60% appliquée aux dons manuels consentis à l'Association " Les Témoins de Jéhovah " inquiète d'ores et déjà le monde des monastères et des couvents : " les communautés non reconnues qui recevaient directement des dons manuels ne peuvent délivrer aucun reçu fiscal. Pire, une menace fiscale existe bel et bien à leur endroit. " (141) En effet, les raisons retenues pour appliquer la loi du 19 mai 1992 aux dons reçus par l'Association " Les Témoins de Jéhovah " conviendraient tout autant à ces associations diocésaines catholiques (142), ainsi qu'à toutes les autres associations religieuses " non reconnues cultuelles ".

Par ailleurs, en réaction à la proposition de loi de la députée Catherine Picard, qui prévoit entre autres la possibilité de dissoudre les sectes et institue le délit de manipulation mentale, de nombreuses personnalités, en particulier des représentants de toutes confessions (catholiques, protestantes, musulmanes, juives...), ont exprimé leur crainte de dérives suite à l'adoption de cette loi (143). Car, bien que Mme Picard affirme que cette loi ne concernera que les sectes, il n'en demeure pas moins que, une fois la loi votée, on pourra l'utiliser comme on le souhaite. C'est pourquoi Mgr Jean Vernette, délégué de l'épiscopat pour la question des sectes, dénonce ce concept de manipulation mentale : " Si l'on introduit dans le code pénal ce type de disposition, qu'est-ce qui va faire la différence entre direction spirituelle et manipulation mentale ? Je crains que la nécessaire lutte anti-secte devienne, dans l'esprit de certains, la fusée porteuse de la lutte anti-religieuse. " (144) De même, le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération Protestante de France, s'interroge : " Où est la limite entre le discours convaincu, le sermon ardent et la manipulation mentale ? En réalité, derrière la lutte contre les sectes, c'est l'ensemble des courants religieux qui doit se sentir menacé. " (144)

Encore plus inquiétant est le raisonnement dangereux de Mme Picard : " Lorsque des personnes travaillent pour le compte d'autrui sans même être rémunérés, sans avoir eu une formation reconnue, là, il y a manipulation mentale. Les Témoins de Jéhovah ont interdiction de voter, et refusent les transfusions sanguines. Il y a aussi délit de manipulation mentale. " (145) Quelle logique implacable ! À en croit cette députée à l'origine de la proposition de loi controversée, toute personne qui s'implique bénévolement dans des associations caritatives, culturelles ou religieuses, " sans même être rémunérée ", " sans avoir eu une formation reconnue ", est victime de manipulation mentale : toutes ces associations à but non lucratif vont donc prochainement être condamnées sous ce motif d'inculpation, puis peut-être même être dissoutes ! De plus, si l'on voit manipulation mentale dès qu'il existe une quelconque interdiction, alors vont être concernées non seulement la plupart des religions, qui établissent toujours des interdits pour des motifs strictement religieux (tabous alimentaires, avortement, divorce...), mais aussi toute association qui établit un règlement intérieur posant des conditions nécessaires à l'adhésion. Même les partis politiques qui défendent cette loi encourent une condamnation : il est notamment interdit à leurs membres de voter pour un parti dissident ou de se présenter à des élections sans autorisation (en particulier, dans une situation de concurrence avec ses compatriotes) ! Sa logique se montre plutôt étonnante. En fait, elle dévoile clairement ses motivations, en tant qu'élue de l'Eure (département où se situe le centre cultuel national des Témoins de Jéhovah) : faire cesser les activités religieuses des Témoins de Jéhovah.

En tout cas, Catherine Picard dévoile son manque de culture religieuse, si ce n'est sa mauvaise foi, dans son argumentaire. Par exemple, selon elle : " Jamais une association respectueuse des principes de la démocratie et du droit des personnes n'a obligé ses membres à renoncer à l'exercice de leurs libertés, à se mettre en situation d'indigence, à ne plus subvenir aux besoins de leur famille, à mettre en péril la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de leurs enfants " (146). Or, voici la réponse du Père Stanislas Lalanne (porte-parole des évêques de France) : " Dans l'église catholique il existe des groupes qui sont atypiques sans être sectaires par exemple les communautés religieuses de moines : il y a une clôture, l'ascèse, un voeu d'obéissance et de pauvreté. Tout cela est régulé. Ce n'est pas parce qu'on promet obéissance et pauvreté qu'on va être une secte. Il peut y avoir un type de renoncement ou d'adhésion, cela ne veut pas du tout dire qu'il y a aliénation mentale sinon il faudrait condamner tous les mystiques. Il ne faut pas confondre originalité d'un groupe et déviance. " (147) Il serait donc temps que ces représentants politiques et militants antisectes revoient rapidement leur copie. À moins que le combat qu'ils mènent vise bel et bien tout engagement religieux...

D'ailleurs, on peut craindre à juste titre que des religions établies finissent par se trouver inclues parmi les mouvements sectaires. À cet égard, le rapport annuel de la MILS (Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes), rendu public en février 2000 (148), se montre fort éclairant : diverses confessions religieuses, pourtant reconnues, répondent aux critères qu'il propose pour reconnaître une secte. Illustrons notre propos par quelques exemples marquants :

- Premièrement, selon Alain Vivien, " les sectes se structurent autour d'une vérité unique, détenue et professée par un maître unique auquel est reconnu un pouvoir suprême que ce dernier exerce sans contrôle. " (p. 44). Si l'on se fonde sur ce critère, l'Église catholique romaine peut être considérée comme sectaire. C'est en tout cas ce que confirmerait la récente Déclaration " Dominus Jesus " du Vatican, qui réaffirme l'universalité exclusive de l'Église catholique romaine (149), laquelle a toujours été défendue par le Concile Vatican II (150). Quant à l'autorité suprême, le Catéchisme de l'Église catholique rappelle : " Le magistère de l'Eglise engage pleinement l'autorité reçue du Christ quand il définit des dogmes, c'est-à-dire quand il propose, sous une forme obligeant le peuple chrétien à une adhésion irrévocable de foi, des vérités contenues dans la Révélation divine ou des vérités ayant avec celles-là un lien nécessaire. " (151) Ces textes catholiques conviennent bien à la définition de la secte, version MILS... Alors, les catholiques appartiendraient-ils à une secte ?

- Autre reproche du rapport à l'encontre des sectes : " Toute exégèse et, a fortiori, toute contestation de la doctrine est interdite. Tout contestataire doit être contraint à résipiscence ou s'il persiste, à rejet. " (p. 44). Or, que stipule le Code de droit canonique ? D'après les canons 1311 et 1364 : " L'Eglise catholique a le droit inné et propre de contraindre par des sanctions pénales les fidèles délinquants " ; " L'apostat de la foi, l'hérétique ou le schismatique encourent une excommunication " (152). Il apparaît clairement que l'exégèse et la contestation ne sont pas admises au sein de l'Église catholique, sous peine d'excommunication, c'est-à-dire d'exclusion de la communauté. Serait-ce un élément de plus qui prouverait son caractère sectaire ?

- Ensuite la MILS rapporte que le leader de la secte ou ses successeurs " ne sont pas susceptibles de destitution par des voies démocratiques car du point de vue de son fonctionnement, la secte, bien que déclarée comme association, évite de se doter, par des statuts particuliers, d'un régime d'administration conforme aux principes de transparence et de démocratie généralement reconnus. " (p. 44). Existe-t-il beaucoup de religions traditionnelles qui nomment leurs ministres du culte à la suite d'un vote effectué par l'ensemble de la communauté religieuse ? En règle générale, les religions suivent une logique plus ' théocratique ' que ' démocratique '. Si l'on s'en tient à l'Église catholique romaine, on notera que le Pape n'a pas été élu par l'ensemble des catholiques et qu'il est encore moins " susceptible de destitution par des voies démocratiques ". Là, la MILS confond d'une manière excessive la politique et la religion, qui ne fonctionnent pas de la même façon.

- Enfin, le rapport évoque le non respect de la " parité homme-femme " parmi les éléments permettant de distinguer une secte (p. 53). Ce critère a de quoi faire rire ! Avec un minimum de culture religieuse, on sait que cette parité n'existe pas dans les principales grandes religions ! Est-ce que les Églises catholique et protestantes accordent le même statut aux femmes qu'aux hommes pour ce qui est de l'autorité ou de l'enseignement ? Quelle est la place des femmes au sein du Judaïsme ou de l'Islam ? Les réponses à ces questions témoignent évidemment de la non-parité homme-femme. En outre, à en croire les débats actuels au sujet de la parité dans le monde politique, la France aurait fait montre d'un esprit sectaire pendant des siècles et jusqu'à notre époque : non seulement, cette parité se met difficilement en pratique, mais encore, le Code civil accordait jusqu'à récemment plus d'autorité au mari qu'à la femme.

À la lumière du rapport de la MILS, l'Église catholique romaine, qui a été une religion d'État en France pendant des siècles et dont la majorité des français se réclament encore, deviendrait en fin de compte une secte sous le regard critique de la MILS. En réalité, le même raisonnement pourrait très certainement s'appliquer à la majorité des religions établies. C'est la raison pour laquelle il faut rester vigilant face à cet activisme antisectes, qui pourrait un jour ou l'autre se retourner contre le monde religieux dans son ensemble.

De ce fait, lorsque les Témoins de Jéhovah se battent légalement pour défendre leurs libertés du culte et de conscience, ils contribuent à une évolution du droit en faveur des libertés fondamentales de chacun. C'est en tout cas le mérite que différents juristes américains et canadiens ont reconnu aux Témoins de Jéhovah (153), puisque les décisions rendues lors des procès qu'ils ont portés devant la Cour Suprême des États-Unis " ont fait avancer la cause des libertés consignées dans la Déclaration des droits en général, et la protection de la liberté religieuse en particulier ", ce qui est également le cas pour le Canada. Aussi Tony Mauro a-t-il souligné, dans le magazine USA Today (154), la " riche contribution " que cette religion minoritaire a apportée aux libertés du Premier Amendement dont profitent tous les américains, en signalant également que " toutes les religions doivent remercier les Témoins de Jéhovah pour le développement de cette liberté ".

Espérons que les actions juridiques menées par les Témoins de Jéhovah en France auront une telle issue favorable.

CONCLUSION

En conclusion, comme cette étude s'est efforcée de le démontrer, les Témoins de Jéhovah de France doivent affronter une vaste campagne de désinformation et subissent de véritables atteintes à leurs libertés fondamentales. Dans la première partie, nous avons relevé que ce mouvement fondamentaliste chrétien est considéré à tort comme une secte dangereuse et asociale, alors qu'il forme plutôt une religion à part entière, comme le montre leurs reconnaissances d'un point de vue international et progressivement à l'échelle nationale. De nombreuses conceptions négatives retenues contre ces personnes de foi s'avèrent souvent mal fondées. À cette méconnaissance de leur religion s'ajoute la désinformation lancée contre eux par des militants antisectes, regroupés en groupes de pression, qui font trop souvent preuve de sectarisme, ce qui explique leurs nombreux dérapages à l'égard notamment des Témoins de Jéhovah. Grâce à cette désinformation et à des justifications erronées, des atteintes sont portées avec une certaine aisance contre leurs libertés fondamentales, que ce soit la liberté d'association ou les libertés de culte et de conscience, qui sont pourtant garanties par la Constitution française.

Malgré toutes les oppositions qu'ils ont pu rencontrer au cours des décennies de leur existence, les Témoins de Jéhovah sont toujours restés fermes à leur foi et leur oeuvre n'a jamais été réduite à néant, même sous les pires régimes communistes ou nazis (155).

Néanmoins, souhaitons que, grâce à une meilleure connaissance de leur religion, la reconnaissance des Témoins de Jéhovah se poursuive en France, que la Justice continue à condamner toutes les discriminations dont est victime cette Église chrétienne et que le gouvernement français revêtisse pleinement son rôle de défenseur des Droits de l'homme.

Davy (01/01/2000, 28/09/2000).

Contact : davy_tj@yahoo.fr.


Bibliographie

Les témoins de Jéhovah face à Hitler 

Guy Canonici - Préface de François Bédarida

Éditions Albin Michel, Paris, 1998
" Survivre sans avoir renoncé à rien de son propre monde moral, à moins d'interventions puissantes et directes de la chance, n'a été donné qu'à un tout petit nombre d'êtres supérieurs, de l'étoffe des saints et des martyrs. "
- Primo Levi, Si c'est un homme, p. 120.
" Sur leur histoire méconnue, Guy Canonici a rassemblé une masse de témoignages qui laissent sans voix devant la force de caractère qu'inspirait une foi traduite dans les mots les plus simples et, jusqu'à la fin, inébranlable, même chez les enfants. "
-- Jacques NOBÉCOURT, La Croix, dimanche 30, lundi 31 août 1998.

" Sans doute le temps est-il venu pour les spécialistes de la répression concentrationnaire de se mettre en éveil, afin d'orienter leurs recherches sur le sacrifice d'une population mal connue, celle des témoins de Jéhovah. "
-- Yohann ABIVEN, Le Monde Diplomatique, juin 1999.

" Comme le souligne dans sa préface François Bédarida, il est temps qu'après les multiples études sur toutes les formes de déportation soit enfin étudié, en France notamment, le destin des Témoins de Jéhovah sous le IIIe Reich. Car si leur mouvement est connu, peu de gens savent qu'ils furent les premiers persécutés pour leur foi par Hitler. "
-- Pierre LE ROLLAND, Le Déporté, juin-juillet 1998.

" [Q]uoique l'on pense des Témoins de Jéhovah [...] il était juste de rappeler qu'à côté des juifs, des Tsiganes et des Eglises confessantes (et avant elles) les « Etudiants de la Bible » avaient été eux aussi persécutés par les nazis pour la seule raison qu'ils entendaient rester eux-mêmes et fidèles à leur foi. "
-- Réforme, 20 août 1998.

" Sur une préface de François Bédarida estimant à juste titre que le destin tourmenté des Témoins de Jéhovah demeure quasiment ignoré, [...] Guy Canonici restitue leur passé et montre que ces chrétiens furent pourchassés et payèrent leur tribut dans les camps nazis. [...] Un martyrologe méconnu. "
-- Actualité Juive, 12 mars 1998.

" Guy Canonici retrace avec minutie la chronologie et surtout le cheminement de pensées qui ont mené à la persécution des Témoins de Jéhovah emportés dans un tourbillon de folie meurtrière entre "la haine des Juifs et la peur des communistes". "
-- Le journal des Combattants, 16 mai 1998.

" Un ouvrage de référence sur une catégorie de victimes du système concentrationnaire dont il est peu parlé. "
-- Le Patriote Résistant, avril 1998.

" On peut penser ce qu'on veut de ce groupe religieux mais nous avons là un bel exemple de courage. "
-- Mauthausen, mars 1998.

" Ce livre, rigoureux et bien écrit, avec de nombreuses notations sur la structure des organisations nazies, ne saurait figurer ici une propagande en faveur des Témoins de Jéhovah d'aujourd'hui. Ce livre d'histoire est, avant tout, un martyrologe. "
-- Charles CHAUVIN, Notre Histoire, février 1999.

" Le livre de Guy Canonici rassemble de nombreux témoignages montrant le courage et la dignité de ces hommes et de ces femmes qui n'ont jamais accepté de compromis. Il leur rend justice et comble une lacune dans l'histoire de la déportation. "
-- Notes Bibliographiques, mars 1998.

Les Témoins de Jéhovah : présentation générale (histoire, croyances, activités...)

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Histoire

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- " Sectes... entre panique et confusion ", hors-série de la revue protestante Réforme, juin 2000.

- WILLAIME Jean-Paul, " Débat sur les sectes et perception sociale du religieux en France ", Conscience et Liberté, n° 59, 2000.
(Association Internationale pour la Défense de la Liberté Religieuse, B. P. 7, 77350 LE MÉE-SUR-SEINE.)

Reportages journalistiques

- DUBERTRET Marianne, " Témoins de Jéhovah enfin à découvert ! ", La Vie, 20 août 1998.

- DUFOUR Anthony, " Un monde parfait : Voyage au coeur des Témoins de Jéhovah ", reportage diffusé dans le magazine " 7 ½ " du vendredi 29 août 1997 sur Arte.

- HOSATTE Jean-Marie, " Témoins de Jéhovah : le quadrillage des banlieues ", Le Point, 8 février 1997.

- HOSATTE Jean-Marie et RAMPILLON Stéphane, " Les Témoins de Jéhovah quadrillent les banlieues ", reportage diffusé dans Zone Interdite (M6), dimanche 14 février 1999.

- LENOIR Frédéric et CADRIN-ROSSIGNOL Iolande, " Les Églises et les sectes ", quatrième volet de la série documentaire " Sectes, mensonges et idéaux " en cinq parties, diffusé sur La Cinquième samedi 7 novembre 1998.

- SAUVAGET Bernadette, " Au nom de Jéhovah ", Réforme, n° 2866, 16-22 mars 2000, p. 7.

- TRILLAT Marcel, DELAGNEAU Éric et SECOND Mathias, " Les Témoins de Jéhovah : Demain l'Apocalypse ", reportage d'Envoyé spécial (France 2), pour son édition du jeudi 2 avril 1998. Mention spéciale du Jury au Festival International du Grand Reportage (Le Touquet).

Débats et discussions

" Secte-religion : quelles différences ? ", discussion animée par Christophe HONDELATTE, lors de l'émission " Le téléphone sonne " du mardi 5 août 1997 sur France Inter.

" Mormons et Témoins de Jéhovah : sectes ou religions ? ", débat organisé dans le cadre de l'émission L'écran témoin, diffusée le lundi 11 janvier 1999 sur La 1 (Belgique).

Sites officiels sur internet

Site international officiel des Témoins de Jéhovah : www.watchtower.org.
(Official Web site of Jehovah's Witnesses and the Watchtower Bible and Tract Society of New York, Inc.)

Site officiel du Bureau des affaires publiques des Témoins de Jéhovah : www.jw-media.org.
(Jehovah's Witnesses: Public Affairs Office Authorized Site.)

Site officiel d'information sur les Témoins de Jéhovah d'Allemagne : www.jehovaszeugen.de.

Site officiel d'information sur les Témoins de Jéhovah de France : www.temoinsdejehovah.org.

Site officiel d'information sur les Témoins de Jéhovah de Russie : www.jw-russia.org (en russe et en anglais).